Aménagement des cours d’eau en Suisse : quel rôle joue la participation dans la mise en œuvre des projets ?

Thèse soutenue par Stephan Utz, le 28 août 2017, Institut de géographie et durabilité (IGD) et Institut des dynamiques de la surface terrestre (IDYST)

Actuellement, la réalisation de projets d’aménagement de cours d’eau ne dépend pas uniquement de contingences techniques ou légales, mais doit également prendre en compte des enjeux sociaux et économiques. Il ne s’agit en effet pas uniquement de maîtriser l’écoulement d’un cours d’eau, mais également de satisfaire les attentes des différents acteurs concernés par le cours d’eau et les espaces avoisinants. La modification de ces espaces s’avère particulièrement sensible et génère fréquemment des conflits. Il est donc essentiel d’associer les milieux concernés et plus largement la population à l’élaboration des projets à travers des processus participatifs.

Théoriquement, la participation doit permettre de prendre en considération les intérêts des différents acteurs et développer des solutions consensuelles afin d’assurer la légitimité démocratique des décisions. L’intégration des connaissances des différents acteurs apporte un supplément d’expertise qui contribue à améliorer les projets et à réduire leur dimension technocratique. La mise en place d’un processus participatif lors de la planification d’un projet d’aménagement de cours d’eau peut ainsi permettre de limiter les conflits qui peuvent y être liés et de favoriser son acceptation par les acteurs et plus largement le public.

Toutefois, la participation reste un concept théorique relativement vague et son application pratique s’avère souvent complexe et présente des résultats variables. En effet, dans certains cas, elle permet réellement d’optimiser les projets d’aménagement, mais dans d’autres, elle contribue plutôt à complexifier leur mise en oeuvre.

On peut ainsi légitimement s’interroger sur le rôle que joue la participation par rapport à la mise en oeuvre de ces projets. Permet-elle réellement d’intégrer les différents intérêts liés aux cours d’eau et contribue-telle finalement à améliorer l’acceptation des projets ? Quelles sont les difficultés rencontrées lors de la mise en pratique de la participation ? Et plus généralement, quels sont les facteurs qui influencent l’implication des acteurs dans les processus décisionnels relatifs aux projets d’aménagement de cours d’eau ?

A partir de ces différentes questions, ce travail propose une analyse de l’application pratique de la participation dans le contexte de l’aménagement des cours d’eau en Suisse. Les différentes études de cas (une enquête auprès des cantons, une étude sur le cas de la Borgne, de l’Emme, de la Minster et de la 3e correction du Rhône) menées dans le cadre de ce travail mettent en lumière les divergences présentes entre les principes théoriques de la participation et les démarches mises en pratique. En effet, bien que la participation soit généralement considérée de façon relativement idéaliste, dans la pratique les processus participatifs prennent une forme nettement plus pragmatique. Ces divergences sont expliquées à travers certaines caractéristiques de la politique d’aménagement des cours d’eau en Suisse mais également plus largement par des facteurs territoriaux, politico-économiques et socio-culturels qui influencent la planification participative de projets d’aménagement de cours d’eau.

Ce travail démontre dans quelle mesure la complexité grandissante de l’aménagement des cours d’eau au niveau technique et légal tend à contraindre la mise en pratique de la participation et favorise une application pragmatique de cette dernière. Les recherches empiriques de ce travail ont permis de montrer qu’aucunes des démarches participatives observées ne permettaient une implication directe des acteurs au développement des projets ; dans la pratique la participation vise essentiellement à faciliter la mise en oeuvre des projets d’aménagement des cours d’eau, mais n’a pas pour objectif d’améliorer leur contenu. Ceci s’explique en grande partie par l’approche instrumentale généralement adoptée par les responsables de projet lors de mise en place de la participation. Finalement, ce travail discute dans quelle mesure la participation telle qu’elle est pratiquée dans le cadre de l’aménagement des cours d’eau en Suisse constitue un artifice qui vise à contrebalancer la perte d’implication des acteurs liée à la complexification de cette politique publique.

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