Développement des formes alluviales dans les rivières en tresses à l’échelle décennale : sols et nappes phréatiques comme contrôles de la succession biogéomorphologique

Thèse soutenue par Nico Bätz, le 4 novembre 2016, Institut des dynamiques de la surface terrestre (IDYST)

La notion de succession biogéomorphologique a été récemment proposée pour décrire dans les milieux de rivière en tresses, à l’échelle de temps décennale, la transition d’un dépôt alluvial récent vers une forêt alluviale. L’ensemble original des rétroactions entre processus physiques (comme l’érosion) et biologiques (comme l’établissement de la végétation) caractérisant cette succession ont été particulièrement étudiés à de courtes échelles de temps. Des études retraçant l’évolution des rivières en tresses à l’échelle décennale ont été principalement fondées sur l’interprétation des images aériennes historiques, qui en revanche ne fournissent pas d’information sur l’état de l’écosystème lors de la succession biogéomorphologique.

En conséquence, une compréhension de cette succession biogéomorphologique s’appuyant sur des processus d’échelle décennale reste manquante. Dans le contexte de la succession biogéomorphologique, cette thèse vise à circonscrire les effets de l’évolution des sols et de l’accès à la nappe sur les processus biogéomorphologique à l’échelle décennale.

Le tronçon en tresses de la rivière graveleuse de l’Allondon (canton de Genève) sert de cas d’étude pour cette recherche. Les couches de sol ont été décrites le long de chronoséquences en utilisant les caractéristiques granulométriques et les paramètres descriptifs de matière organique (analyses RockEval). La croissance des plantes dans la plaine alluviale et sa dépendance aux facteurs environnementaux, ont été étudiés par dendrochronologie. Les données ont été ensuite associées au contexte géomorphologique, dressé à partir d’images historiques, ainsi qu’au gradient de profondeur de la nappe le long du tronçon.

Les résultats montrent que les dynamiques de la matière organique et les caractéristiques sédimentaires sont de première importance pour expliquer la diversité des sols dans la plaine alluviale de l’Allondon. Cependant, l’accès à la nappe influence la relation entre succession biogéomorphologique et évolution des sols. Les sites situés dans les zones plus distales de la nappe et morphologiquement plus actives, nécessitent un sol pour subvenir à la demande en eau estivale de la végétation. Les processus géomorphologiques contribuent au développement du sol par le dépôt de fractions fines enrichies en matière organique. Les meilleures conditions pour ces rétroactions ont été observées dans les chenaux abandonnés.

Néanmoins, ces rétroactions ne se produisent pas suffisamment (dans le temps et dans l’espace) pour contrer les effets des perturbations fluviales ; les zones distales de la nappe restent par conséquent les plus morphologiquement actives. Dans la zone superficielle de la nappe, et morphologiquement plus stable, la végétation ne dépend pas de la capacité de rétention en eau du sol. Ainsi, la végétation se développe à des taux plus élevés (dans le temps et dans l’espace), augmentant la stabilité des dépôts, et par conséquent, la stabilité morphologique du tronçon.

Ces résultats soulignent la dépendance de la succession biogéomorphologique à l’interaction entre sols et accès à la nappe. Cette interaction facilite la progression biogéomorphologique à des taux supérieurs à la fréquence de perturbation, et par là?même une plus grande stabilité morphologique.

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