Élevage et survie économique des agriculteurs

Par Antoine Luginbuhl

Supprimer l’élevage, revient à supprimer des agriculteurs.

Je viens d’écouter la conférence de Aurélien Barrau à l’UNIL, tout en étant à 100% d’accord avec ce qui y est dit, je me pose une question, que j’essaie d’exposer en utilisant mon expérience personnelle.

Viticulteur, bio depuis 1980, en Toscane, dans le Chianti, depuis 40 ans je fais partie de ceux qui pensent que le monde nous est prêté par nos petits enfants, le bio est une méthode de production, c’était aussi un moyen politique fort de communiquer que nous allions droit dans le mur à l’époque, ce qu’il n’est plus aujourd’hui, ou de façon beaucoup plus édulcorée.

J’ai depuis quelques années 2 vaches qui me font 2 veaux par année pour la viande, que je mange avec  des amis qui m’achètent la viande. Nous vivons de la production de vin, mais nous avons environ 10 ha de champs, il y a 40 ans je produisais aussi du blé, pour utiliser ces champs. Ici le climat sec permet de produire entre 25 et 40 quintaux /ha de blé (peu), le prix du blé est aujourd’hui plus bas qu’il y a 40 ans. Le climat qui est entrain de changer fait en sorte que ces dernières années le blé  n’est plus une culture possible climatiquement et financièrement on en parle pas, les champs sont de plus en plus abandonnés pas mes voisins.
La seule solution pour utiliser ces ha, ET en produire un petit revenu c’est le bétail.

On peut se poser la question sur l’utilité de la présence de producteurs agricoles, dans les steppes, montagnes et autres zones où la culture de végétaux propres à la consommation humaine est impossible.
Serait-il préférable de laisser ces lieux retourner au sauvage et créer des espaces de vies pour d’autres espèces?

Si la présence d’éleveurs/agriculteurs est un richesse utile,  parler d’une façon générique de la viande à abolir me semble un raccourci facile.
Primo parce qu’il faut d’abord répondre à la question de savoir si l’élevage dans les zones où la culture n’est pas possible a un sens pour nourrir une partie de la population, après se pose une question de qualité et quantité évidemment.
Secondo, le prix des denrées végétales qui peuvent éventuellement être produites  dans les zones où les rendements sont bas pour des raisons climatiques, sont en concurrence directes avec les mêmes denrées produites dans les zones favorables; la consèquence est que l’élevage est plus intéressant dans ces zones sèches, alors que fait-on avec les agriculteurs qui vivent dans ces espaces ?

Je serais curieux d’avoir des avis sur ce sujet, qui contient aussi ce que le consommateur est prêt à « payer » pour se nourrir.

Cordialement.

2 Comments on “Élevage et survie économique des agriculteurs”

  1. Bonjour Alexis,
    maraîchage, arbre fruitiers, tous ont besoin d’eau, et dans notre région il n’y en a pas. Pour tout ce qu’on produit on doit s’arranger avec les précipitations. Pour cette raison les seules productions vègètales qui suevivent sont la vigne et les oliviers. Pour le jardin potager, où l’on arrose avec quelques réservoirs d’eau de pluie, il y a eu des années, la dernière en date 2017 ( 200mm de pluie entre janvier et octobre) à un moment donné on a abandonné et perdu tout le travail. Même la vigne a souffert en 2017 au point que certaines vignes n’ont pas produit de fleurs en 2018 car la végétation de 2017 n’avait pas pu préparer les bourgeons.
    à presque 70 ans dans le monde agricole, dont 40 en bio, je suis ouvert à tout essai de permaculture (permaculture qui est loin d’etre une nouveauté, sois dit en passant, Fukuoka e Cie sont connus depuis longtemps) , mais justement à cause de ces 70 ans je sais que les recettes, les gourous, sont interessants seulements quand ils vivent là où ils font leurs propositions ET quand ils vivent de leurs propositions. Il y a de superbes rèsultats dans bien des endroits où il pleut règulièrement, d’autres où la nappe phreatique est abbondante et relativement superficiel, mais ici même pour l’usage domestique il est inutile de faire des puits, à plus de 200m de profond il n’y a pas d’eau, nous dèpendons d’un petit ruisseau qui part de plus haut, s’il arrête de couler nous devons faire venir des camions.
    Je parle de « mon coin » mais en Toscane et dans le monde il est assez frèquent de trouver ces situations.

    Il n’est pas nécessaire d’avoir de grandes surfaces en cérèales, (Il faut définir grand évidemment) il serait déjà intéressant que les prix de vente des cèreales soit en relations avec les coûts de productions, (salaires, protections sociales, coûts du maintien environnemental) et non pas avec le prix du marché « mondial ».

    Quand à votre dernier paragraphe, le problème c’est que nous vivons aujourd’hui, et que aujourd’hui le consommateur veut payer peu pour se nourrir, je n’ai pas les statistiques en tête, mais la part du salaire dédiée à la nourriture il y a 100 ans est bien supérieur à celle d’aujourd’hui. Cette érosion du revenu agricole a évidemment eu un coût environnemental, MAIS je ne vois pas du coté de la consommation un effort fait pour soutenir la production agricole, mais bien plutôt pour chercher à limiter ses excès mais sans réflexions, sur comment, quoi, par qui et à quels salaires produire.
    Bon il semble qu’en Suisse vous allez bientôt voter pour la nouvelle Politique Agricole voyons ce que la majorité choisira….
    En attendant de choisir il faudra toujours manger, meme dans les centres urbains,

  2. Bonjour,

    Il me semble également que les petits élevages de bétail ont un rôle à jouer dans une production alimentaire résiliente.
    En plus de valoriser les terrains pauvres, le bétail peut permettre un déphasage saisonnier pour affronter l’hiver. Certains animaux (poules, cochons .. ) permettent aussi une ‘utilisation’ des restes alimentaires..

    Par contre je me pose des questions sur les terrains que vous présentez comme trop secs pour la production de blé. Ces cultures nécessitent de grandes surfaces, et n’abritent de surcroit que peu de biodiversité.
    Vous semble t’il possible d’envisager une plantation d’arbres, sur un modèle du type agroforesterie ? Les arbres ne peuvent ils pas favoriser un climat plus humide rendant possible des cultures dessous ? Certains principes de permacuture permettent également d’améliorer l’infiltration de l’eau dans le sol.
    Une conversion vers du maraichage sur une fraction de la surface tout en laissant le reste retourner à un état naturel, ou a un verger, me semble également possible.

    Pour la seconde partie de votre question, à savoir la concurrence entre régions, je pense que celle ci devient moindre dans un monde ou les transports sont réduits. Tant que le pétrole facilitera les déplacements, il me semble que seule la conscience écologique – couplée à un désir d’indépendance alimentaire – de la population, pourra combler ce différentiel. Il faudra maintenant prendre conscience que le prix peut être juste tout en étant plus élevé qu’ailleurs.

    En vous souhaitant une bonne année.

    Alexis

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