Le post-colonialisme

Le post-colonialisme désigne un courant intellectuel critique apparu à la fin du 20e siècle dans plusieurs disciplines. Il s’attache à décrire les effets persistants de la colonisation que connaissent les anciens pays colonisés, principalement autour des questions d’identité et de production de la connaissance.

Théorie

Eléments de définition

Le terme de post-colonialisme est créé au moment de la décolonisation. Au départ, il désigne une période historique, le moment qui suit la décolonisation d’un pays auparavant colonisé. Par la suite, il est utilisé pour désigner le courant critique qui traite des effets matériels, mais surtout symboliques et discursifs de la colonisation, au sein d’un nombre important de disciplines (en littérature comparée, histoire, anthropologie, études du développement, etc.).

Ce courant dérive du post-modernisme, d’où l’accent mis sur les discours et les relations de pouvoir dont ils sont porteurs. Le post-colonialisme questionne en particulier les effets de la colonisation sur l’identité culturelle des peuples décolonisés, ainsi que le thème du néocolonialisme, à savoir le prolongement d’une domination des anciens pays colons sur les colonisés, à travers leur influence culturelle, sociale ou économique. Parmi les auteurs les plus connus ayant contribué à développer les études post-coloniales, se trouvent Edward Said, Frantz Fanon, Gayatri Chakravorty Spivak et Homi Bhabha.

Les points essentiels traités par les post-colonialistes sont les suivants selon McEwan (2008, p.124-125):

  • L’accent est mis sur la remise en question des discours dominants occidentaux dans diverses disciplines académiques. Ces discours inconsciemment ethnocentriques qui ont pour référence la culture européenne, sont tenus au détriment des visions et valeurs d’autres cultures.
  • Ces discours et écrits dominants en viennent à devenir réels, si l’on suit la théorie selon laquelle l’énonciation contribue à construire le monde. Le terme de « tiers-monde » par exemple, contribue à assigner une identité homogène à tous ses habitants, participant à la construction d’un « Nous » et d’un « Eux » différents par essence. Le pouvoir de nommer les phénomènes est détenu par celui qui détient la connaissance: selon Edward Said, le savoir est une forme de pouvoir qui donne de l’autorité à celui qui la possède. Or, le savoir est largement contrôlé et produit par l’Occident, qui détient donc le pouvoir de nommer, de représenter, de théoriser. C’est ce que le post-colonialisme entend combattre.
  • La critique post-colonialiste s’étend également aux métaphores spatiales et temporelles utilisés dans les discours occidentaux, montrant le tiers-monde comme distant du Nord: lointain et d’un autre temps. Il s’agit donc de rappeler que le tiers-monde est « ici »: l’Occident lui doit sa prospérité, à travers son travail et l’exploitation économique qu’il lui fait subir.
  • Enfin, les postcolonialistes s’efforcent de « reconstruire » l’Histoire et la production du savoir, en y incluant la voix des opprimés, des marginalisés et des dominés.

Post-colonialisme et développement (tiré de McEwan, 2008)

Durant les années ’90, la critique post-coloniale gagne les études de développement. L’influence théorique provient à la fois du marxisme pour son analyse politico-économique et du post-structuralisme pour son analyse linguistique. Le post-colonialisme adresse une critique sévère aux études de développement et aux manières de voir les relations Nord-Sud dominantes dans ce champ.

L’analyse porte sur les discours du développement: ceux-ci sont ancrés dans les discours coloniaux décrivant le Nord comme avancé et progressiste et le Sud comme arriéré et primitif. Les auteurs post-colonialistes remettent en cause la supériorité supposée du capitalisme et de la modernité, par rapport aux systèmes d’équité, de réciprocité ou de communalité que l’on peut trouver dans le Sud.

Il est souvent reproché aux post-colonialistes de trop se concentrer sur les discours et pas assez sur les problèmes matériels, en ce qui concerne la pauvreté par exemple. Cependant, comme souligne Escobar (1995), le langage est important , car il influence la manière de comprendre les problèmes, d’intervenir et de justifier les interventions qui, elles, ont des conséquences matérielles. Les textes du développement contiennent d’ailleurs souvent des images, des métaphores, des allusions ou des rhétoriques qui contribuent à imaginer un monde ne ressemblant pas à la réalité. Ces textes sont aussi porteurs de fausses représentations, de stéréotypes négatifs que le post-colonialisme cherche à ôter de ces discours.

D’autre part, les discours du développement sont porteurs d’une vision qui promeut des interventions et les justifie, tout en délégitimant et en excluant les autres visions. Ils impliquent des relations de pouvoir, certaines formes de connaissance étant dominantes et d’autres exclues. Le post-colonialisme s’efforce donc de relier les discours et les relations de domination au sein desquelles ils sont produits.

Le post-colonialisme conteste aussi le rôle moindre donné aux populations locales pour les programmes de développement, demandant ainsi que leurs voix soient entendues et que leurs idées y soient incorporées.

Références

Escobar, A. (1995). Encountering Development: The Making and Unmaking of the Third World. Princeton: Princeton University Press.

Lazarus, N. (2006). Penser le postcolonial: Une introduction critique. Paris: Editions Amsterdam.

McEwan, C. (2008). Post-colonialism. In R. B. Potter & V. Desai (dir.), The Companion to Development Studies (2nd éd., pp. 124-128). London: Hodder Education.

Projets de recherche

Culture et développement: quelles interactions?

Les savoirs locaux et leurs relations avec les pratiques de développement

OGM: panacée ou désastre pour les pays en développement?

Religion et développement: quelles interactions?