Mimè

Mimè

Pièce d’Elidjha de Magentia / Compte rendu par Marguerite Thery.

Deux lundis par mois, pendant l’été, Le Courrier publie le texte inédit (extrait) d’un-e auteur-e de théâtre suisse ou résidant en Suisse. L’Atelier critique a eu accès à la version intégrale de ces oeuvres et en propose aujourd’hui un compte rendu, assortie d’un entretien avec leurs auteur·e·s.

Voir l’Entretien avec Elidjha de Magentia autour de la pièce Mimè (2023)


Mimè : Pureté (Corps et âme) 

27 juin 2024

Pas de vision, pas de lieux, des images floues pour ce premier texte d’Elidjah de Magentia: mimèCe sont les sensations ancrées par le traumatisme dans la mémoire corporelle que convoque l’autrice. Un texte à plusieurs voix, entre conte et poésie, qui plonge en huit fragments le lecteur dans une subtile évocation de la maltraitance intrafamiliale invisible

Les images « se refusent [aux] yeux » de la « quelqu’un.e » comme au lecteur. Le regard marque le texte par son absence. Les maux sont invisibles, rendus hors d’atteinte par une mémoire en creux. Le corps a retenu les bruits, les silences, et le toucher – ou l’absence de toucher – avec une grande précision mais le cerveau fait défaut, il a supprimé le détail des évènements, pour la survie. Le contraste donne encore plus de poids à ce regard qui n’a pas été posé. Le texte se présente en huit séquences, portées par des voix. Certaines sont explicitement attribuées, d’autres ne le sont pas. Une mère accouchant d’une fille alors qu’elle aurait souhaité un garçon, une dénégation : l’exil intérieur de la quelqu’un.e commence, elle se tapit dans ce corps qui déjà ne semble pas lui appartenir. Le cadre familial est posé mais la narration laisse la place aux questions : « un souvenir étiolé a-t-il le droit de cité ? », « Comment peut-on manquer de ce qu’on n’a jamais connu ?». Les mots jaillissent, répondant peu à peu à l’injonction « Tu leur diras », qui martèle le début de chaque séquence. La quelqu’un.e a de plus en plus de courage à mesure qu’elle dit, elle sort de son exil et interpelle – ou s’interpelle : « bas les masques! ». Une renaissance emplie d’espoir, liée à l’éveil de la conscience d’exister, se dessine. Enfance, mémoire, maltraitance, secret, stratégies de survie : le texte met l’accent sur le sentiment de vouloir disparaitre, de ne pas être vue ; les ellipses et les creux du récit permettent aux lecteurs de laisser résonner les thématiques qui leur sont propres ou proches. À demi-mots et tout en sensations, Elidjah de Magentia rend perceptibles les violences intrafamiliales. Elle montre sans dire, comme un mime. 

27 juin 2024