Une critique sur le spectacle :
INACTUELS / Chef de projet et mise en scène par Oscar Gómez Mata / Interprétation par Oscar Gómez Mata et Juan Loriente / Arsenic / du 7 au 10 décembre 2023 / Plus d’infos.
Tout ne semble pas pouvoir être expliqué rationnellement, parfois un petit « quelque chose » nous échappe. Dans une tentative de recréer cette expérience, INACTUELS explore notre rapport à l’art dans une séries de performances chaotiques et déjantées.
Dans la continuité thématique de MAKERS, le duo comique de Juan Loriente, célèbre comédien du théâtre contemporain espagnol, et Oscar Gómez Mata, connu en Suisse pour les mises en scène de sa compagnie l’Alakran (récemment lauréate du prix suisse des arts de la scène), revient dans les salles de théâtre avec une performance mêlant dialogues absurdes et réflexions métaphysiques. INACTUELS, en tournée en Suisse romande cette fin d’année 2023 et début d’année 2024, est l’occasion de continuer d’explorer les relations sensibles au monde en intégrant divers événements vécus par les comédiens lors de la création de ce nouveau spectacle. Les spectateurs identifieront certaines références à l’actualité politique de leur région dans les séquences humoristiques alors qu’ils sont plongés dans un chaos absurde provoqué par les deux compères.
Habillés en short, t-shirt, baskets et blouse-peignoir bleu, les deux comédiens se mettent à tester plusieurs médias artistiques avec lesquels ils disent vouloir commencer le spectacle. En floutant d’emblée la limite entre ce qui appartient à un possible univers fictionnel et ce qui est réel, Juan et Oscar, qui semblent jouer leurs propres rôles en amplifiant les traits de « clowns », viennent créer un espace expérimental pour explorer ce « quelque chose qui nous échappe ». Tous les accessoires utilisés prennent alors une signification arbitraire, symbolique et absurde.
À cet égard, la fin du spectacle est significative : après avoir déroulé des pelotes de laine pour relier tous les accessoires disposés sur une scène à peine éclairée, Oscar Gomez Mata, vêtu d’une combinaison rose et d’un sac en crochet sur la tête, s’avance au milieu des fils. Se trouvant emmêlé, il finit par tout ramener à lui dans un dernier geste, se retrouvant seul face aux spectateurs. Pourtant, le spectacle avait commencé comme une simple discussion de coulisses humoristique sur une scène alors encombrée par ces divers accessoires placés presque aléatoirement : des chaises, une table, trois petits écrans de projection, des bambous dans un pot, un séchoir à linge avec des habits dessus, des hulas hoops, une construction composée de morceaux de polystyrène, une ligne de démarcation de piscine pendue au plafond, deux réchauds avec des marmites… Les spectateurs ne comprenaient alors pas très bien à quoi servaient tous ces objets et où les acteurs voulaient en venir. On s’imaginait volontiers que tous les accessoires allaient servir un objectif précis et significatif dans le spectacle. Nous voilà tombés dans le piège.
En variant les séquences entre réflexions plus métaphysiques – sur notre rapport au monde sensible et à l’art – et moments de performance, les spectateurs, tout en riant, sont amenés à prêter attention aux expériences sensorielles et à la symbolique qu’ils attribuent (ou non) à celles-ci. La légèreté tourne parfois même à l’autodérision, particulièrement présente au début du spectacle lors des reproductions de formes d’art dans différentes séquences : un film projeté des deux compères, un solo de flûte, un tableau qui ressemble à un gribouillis d’enfant, une danse performative, un poème qui ne veut rien dire ou encore une sorte de stand-up. Les spectateurs rient avec les deux comédiens qui cherchent à mettre absolument du sens dans toutes les choses qui leur entourent, rappelant ainsi les spectateurs qui eux-mêmes tentaient d’interpréter les accessoires au début du spectacle. Si cette quête de sens fait rire, elle est aussi centrale dans les moments de réflexions métaphysiques. Le message du spectacle semble ainsi se lire entre les lignes : les spectateurs ne doivent pas chercher à rationaliser tout ce qui se passe et accepter que certains phénomènes leur échappent. Aux yeux des deux comédiens, toute expérience semble être de l’ordre de l’arbitraire, du subjectif et les spectateurs sont donc invités à poser un regard nouveau sur le monde en mettant en avant un rapport sensoriel qui accepte la magie et le mystère.