Par Claire Cornaz
Une critique sur le spectacle :
Twist / Conçu par Cie Yan Duyvendak et les game designers Kaedama (Corentin Lebrat et Théo Rivière) / Théâtre Am Stram Gram / Du 17 au 20 novembre 2022 / Plus d’infos.
En ce milieu de mois de novembre, le théâtre Am Stram Gram, dont la programmation s’adresse à un public de tous âges, présente Twist, une activité ludique grandeur nature dans laquelle le public peut monter sur scène et participer à un escape game sous la pression d’un temps imparti chronométré. L’expérience, qui redéfinit la place des spectateurs, est surprenante et conviviale.
Après quelques mots de Yan Duyvendak, lauréat 2019 du Grand Prix suisse du théâtre, ce sont Delphine [Abrecht] et Jean-Daniel [Piguet] qui se présentent et expliquent les règles et le déroulement du jeu : il faudra les libérer en résolvant les énigmes installées un peu partout sur la scène. Celles-ci vont du sudoku mathématique à des puzzles en passant par des modélisations géométriques à réaliser en 3D. La plupart de ces énigmes sont installées sur des plots et des boîtes, fermés par des cadenas que l’on peut ouvrir avec des codes à chiffres ou des clefs. Delphine et Jean-Daniel sont eux-mêmes installés dans des boîtes blanches dans lesquelles un trou permet de garder un contact avec les joueurs. Un micro au milieu de la scène permet d’annoncer lorsqu’une information potentiellement intéressante ou un code a été trouvé, et les joueurs s’en servent pour mettre en commun les indices et accélérer les recherches. Une régie est installée côté cour, à la limite des coulisses, diffusant de la musique d’ambiance et des sons. Lorsqu’un cadenas est ouvert, un “effet théâtral” est débloqué (fumée, musique, ou lumière), le but étant d’en activer cinq afin de libérer les deux “prisonniers”.
Dans la lignée de précédentes créations de la Cie Yan Duyvendak – comme Please, Continue (Hamlet) (2011), qui faisait du public un jury, Invisible (2019), qui envoyait les participants agir dans l’espace public, ou le jeu de simulation VIRUS (2020), Twist redéfinit la place des spectateurs et spectatrices dans un environnement qui les motive à interagir ensemble, mais aussi avec le lieu qui les entoure. Ici, on leur offre la scène. Chacun peut participer comme il l’entend. Si l’on souhaite rester membre du public, on peut très bien ne pas poser les pieds sur scène et observer ce qui se passe depuis son siège. La conception de l’activité fait l’objet d’une constante réflexion d’une représentation à l’autre, ce qui signifie que l’expérience peut changer. Les énigmes sont très variées, ce qui motive tout le monde à participer d’une manière ou d’une autre, à passer d’un puzzle à l’autre, et aussi à communiquer avec les autres participants. Car c’est la communication et l’interaction qui sont ici la clé, comme dans tous les escape games. Il est donc particulièrement intéressant de situer ce jeu sur l’espace même de la scène qui permet au public de ressentir cette cohésion et cette entente, à l’endroit même où elle se construit habituellement pour les acteurs dans le jeu. En devenant joueurs sur scène, dans tous les sens du terme, et appelés à communiquer entre eux, les spectateurs vont au-delà de la gêne sociale et entrent dans une dimension ludique. Les différences s’effacent, et la collaboration se construit. L’expérience se veut d’ailleurs intergénérationnelle, encourageant les enfants, les adolescents et les adultes à travailler ensemble. La cohésion s’affermit encore lorsqu’une fois tous les effets théâtraux découverts, on ne peut libérer les deux “prisonniers” qu’en se mettant d’accord pour effectuer tous ensemble la même action : jusqu’au bout, on se laisse volontiers surprendre.