Par Mélanie Scyboz
Une critique sur le spectacle :
La Largeur du Bassin / Texte de Perrine Gérard / Mise en scène de Lucile Carré / Théâtre Poche Gve / du 12 novembre au 16 décembre 2018 / Plus d’infos
Après La résistance thermale de Ferdinand Schmalz, Le Poche prête son décor de piscine à la pièce de Perrine Gérard, mise en scène par Lucile Carré. Entre nuances pastel et odeur de chlore, La Largeur du Bassin nous replonge dans nos cours de natation à la piscine municipale. Une cour de récréation où l’on ne porte pas de vêtements, excepté un morceau de lycra qui colle à la peau. Normalement pudiques en lieu public, les corps se déshabillent en piscine. Ce lieu particulier suscite la réflexion sur de nombreux sujets délicats touchant à l’intimité.
Dans la salle, c’est comme si nous étions, avec les personnages, dans le bassin de la piscine municipale ! Un vestiaire dans un coin, des écrans LED sur scène ainsi qu’au plafond, et trois sirènes à claquettes. Trois étoiles : deux sœurs et une gagnante forment une équipe de natation synchronisée. Du haut de leur plongeoir, trois hommes : le coach, le nettoyeur timide et un troisième observent les filles, les encourageant, les admirant ou les déshabillant du regard. Le travail de mise en scène produit de subtils tableaux chorégraphiques, comme en natation synchronisée, les filles se déplacent d’un coin à l’autre, un bras en l’air et les jambes tendues.
Ce lieu public représente un monde à lui seul, entre le bassin, le vestiaire et le local de rangement. Alors, lorsque l’entraînement est terminé, la compétition continue et les histoires amoureuses commencent : laquelle fait le plus de vagues ? Laquelle donne envie de regarder sous sa jupe ? Laquelle rend sa mère la plus fière ? Le goût de l’eau est âpre, acre et en même temps acide. L’eau de la piscine pique, gratte et salit, comme les regards de Bouli sur la petite Olive. Ce « vieux porc », à la gestuelle et aux paroles qui dégoûtent, incarne le voyeur par excellence.
Les personnages ne parlent pas de façon naturelle, ils récitent de manière précise et mécanique, laissant parfois place à des coups de gueule explosifs de la part d’Olive ou à des silences cassants plein d’émotions. Baver devant le corps d’une jeune femme, c’est, d’une certaine manière, le sexualiser.
Olive et son casque « plus gros que sa tête » n’a pas de mot devant ces paroles déplacées. Elle crie, mais on ne l’entend pas à cause d’une musique assourdissante. La métaphore filée du monde aquatique, déjà présente dans le titre, fait parfois rire, mais elle est souvent déclinée de manière crue. « Ton cul et tes seins, c’est juste du poids pour te lester dans l’eau ». La pièce se termine sur un dernier tableau lourd de sens, la sirène qui ne s’est pas faite entendre s’échoue.