Quichotte sans cheval ni dulcinée mais avec toute sa folie

Par Marguerite Thery

Une critique sur le spectacle :

Quichotte, chevalerie moderne / mise en scène par Julien Basler / La Cie Les Fondateurs /  Maison Saint-Gervais (Genève) / du 18 au 28 avril 2024 / Plus d’infos.

© Magali Dougados

Les Fondateurs s’attaquent au monument de la littérature espagnole et chevaleresque, L’Ingénieux Hidalgo Don Quichotte de la Manche de Miguel de Cervantes, après Dom Juan et Madame Bovary. Il ne s’agit pas ici de jouer les aventures de Sancho Panza et Don Quichotte, mais de s’inspirer de leur folie qui franchit allègrement les frontières des mondes réels et fantasmés.

            Pour celles et ceux qui auraient peur de ne pas se souvenir assez en détail des aventures de Don Quichotte, David Cobert, dans le rôle du narrateur, se chargera de vous rafraîchir la mémoire en lisant quelques passages de l’œuvre originale. Sous ses allures de professeur d’université, il emporte le public par sa voix ronde et puissante. Dressé derrière son pupitre/studio d’enregistrement, il analyse le texte, et crée le lien entre le public et les deux comédiens postés à l’avant-scène (Anne Delahaye et François Herpeux) en éclairant ce qui se joue sous nos yeux.

            Au début, le duo de comédiens est accaparé par de nombreuses tâches : faire des croix sur du papier, peindre des lettres pour des affiches, ranger des outils, ranger des boîtes vides… laissant le narrateur en dehors de leur projet. Petit à petit, leurs interactions deviennent plus nombreuses, plus flagrantes, jusqu’à ce que le narrateur rejoigne les comédiens, comme Cervantes intervenant dans son propre texte. Le spectacle se concentre sur la folie des personnages et le monde imaginaire créé par Don Quichotte. Il est vain d’essayer de comprendre ce que font les deux comédiens dans ce local, trop propre pour être un garage, et trop encombré pour être autre chose, mais une chose est sûre : ils invitent à rire. Rire de l’excentricité de ces personnages se donnant corps et âme pour un projet dont le but est tellement insignifiant qu’il est tu. Rire des moyens saugrenus avec lesquels ils utilisent les objets à disposition. Rire en s’imaginant la suite des aventures de ce trio. Les spectateurs sont embarqués par la générosité des comédiens et se laissent aller dans cette folie aux limites du réel.