Un conte théâtral

Par Enola Rindlisbacher

Un compte rendu sur le texte de la pièce :
Les Naufrageurs (2017)/ De Sophie-Valentine Borloz / Plus d’infos

© Céline Michel

Après La Farce du Devin, écrite en collaboration avec Dominique Würsten, commandée par la ville de Vevey et de Montreux à l’occasion du tricentenaire Rousseau en 2012, Les Naufrageurs est la seconde pièce de Sophie-Valentine Borloz. Créée en 2017 au théâtre des Trois-Quarts – aujourd’hui le Pantographe – à Vevey, elle connaît une seconde jeunesse en 2019, lorsqu’elle est traduite en grec pour être jouée par une troupe locale au festival d’Analogio à Athènes. Actuellement chercheuse en littérature à l’Université de Lausanne, Sophie-Valentine Borloz a toujours été passionnée par l’univers des arts de la scène, en tant qu’actrice d’abord, avant de devenir autrice.

Inspirée de voyages en Irlande et en Bretagne, ainsi que d’un imaginaire des légendes de marins, l’histoire est celle d’une petite communauté isolée sur une île sans nom, où les hommes pratiquent une pêche sinistre : ils attirent les bateaux, au moyen d’une lanterne, vers les rochers de l’île afin de provoquer un naufrage et de récupérer les cargaisons. L’intrigue se noue autour de la rencontre de Tessa, jeune femme vivant sur l’île, et William, jeune marin ayant survécu à l’un de ces naufrages. Pendant cinq actes, les dialogues font la part belle au langage familier des rudes pêcheurs, mais aussi à la poésie entêtante de la « vieille folle » Margie, dont l’histoire se révèle en coup de théâtre à la fin. L’arrivée de William exacerbe les tensions au sein de la communauté. Si les deux jeunes gens tombent rapidement amoureux, la présence d’un étranger ne plaît pas à tous les membres du groupe. Alors que les hommes mettent à l’épreuve le jeune marin lors d’une tempête, une dernière tentative de Tessa fait basculer l’action vers une fin tragique.

Si la pièce s’apparente à bien des égards à une tragédie, elle se rapproche également du conte en inscrivant son univers dans un lieu inconnu et un passé lointain, qui ne sont pas identifiés dans les dialogues et didascalies du texte, mais également du fait de l’intrigue qui révèle, derrière l’histoire d’amour, des enjeux thématiques plus profonds, comme les tensions entre l’enfermement et la liberté, en mer comme sur l’île. En qualifiant elle-même son texte de « conte », Sophie-Valentine Borloz souhaite que celui-ci se lise et s’apprécie comme une « belle histoire », tout en permettant une seconde lecture réflexive. Le lecteur se laissera emporter par l’atmosphère mystérieuse et magique de cet univers.