Par Emma Chapatte
Une critique sur le spectacle :
Préparation pour un miracle / Conception, mise en scène et interprétation par Marc Oosterhoff /Cie Moost / Théâtre de Vidy (Lausanne) / du 31 octobre au 12 novembre 2023 / Plus d’infos.
Après une formation en théâtre de mouvement à l’Academia Teatro Dimitri puis de danse contemporaine à La Manufacture, Marc Oosterhoff crée la compagnie Moost en 2017. Depuis, sa pratique s’est enrichie avec les arts du cirque et la magie nouvelle, poussant encore plus loin son travail sur le réel : entre illusion, danse, acrobaties et mime, sa dernière création est un seul en scène drôle et poétique.
Le spectacle commence par l’illusion d’un plateau vide et d’un non-décor : au fond, une porte de secours faiblement éclairée, un extincteur accroché au mur, une porte de service, des caisses de rangements sur roulettes et un fourmillement d’accessoires dans la pénombre de la scène que l’on ne remarquera qu’à mesure qu’ils entrent en action. Mais surtout, sur le plateau nu, une servante éteinte, cette lampe sur pied qu’on laisse traditionnellement allumée sur la scène entre les représentations.
Entre alors sur scène un homme : s’agit-il de Marc Oosterhoff ou du personnage qu’il campe ? Quoi qu’il en soit, il éteint la lumière de la salle, s’approche de la servante, la branche, elle s’allume. Il la déplace, ce qui tire sur la prise qui s’arrache. Mais la servante reste allumée. Le spectacle a commencé. Seul sur le plateau, comme prisonnier de ce dernier, ce personnage hybride évolue ainsi dans un espace scénique qui crée ses propres règles : la gravité semble changer, le temps s’écouler différemment, les objets paraissent avoir une existence autonome. Sans un mot, le personnage explore ce système clos, comme s’il voulait en sortir, mais se faisait continuellement happer par les péripéties qui lui arrivent avec parfois un je-ne-sais-quoi d’enfantin.
Il faut dire qu’il y a quelque chose de cartoonesque dans la posture de Marc Oosterhoff : il force les traits, exacerbe les gestes, les répète, pour notre plus grand bonheur. Empruntant au clown et au mime, l’artiste s’amuse et use de la connivence avec le public. Il le regarde, l’écoute, semble se caler sur le rythme de ses réactions et de ses silences. Le public se trouve donc au centre du processus de création : il n’a pas l’impression d’assister à un événement scénique détaché de lui, mais bien au contraire d’y participer, jusqu’à réaliser faire lui-même partie du monde dans lequel est bloqué l’homme sur scène. Au théâtre il y a bien sûr la scène, mais il y a aussi la salle, tout aussi indispensable à la représentation, et c’est précisément là un des leviers chers à Marc Oosterhoff dans ses créations : cela lui permet de créer un lien entre le public et l’événement scénique.
Marc Oosterhoff aime questionner le réel : Préparation pour un miracle ne cherche pas à cacher l’illusion au spectateur. Au contraire, le spectacle l’assume et l’amplifie pour faire rire et créer un monde décalé, parfois presque inquiétant. C’est bien là le propre de ce nouveau genre de magie nouvelle : modifier le réel dans le réel, sans chercher à faire croire aux spectateurs et spectatrices qu’elles assistent véritablement à des événements magiques. Sans en révéler les ficelles, on assume ainsi la présence d’artifices pour créer l’illusion, manière pour le spectacle de travailler le rapport au réel des éléments représentés sur scène. Et de conclure : ce n’est pas parce que c’est une illusion que ce n’est pas réel.