Le discours est un jeu

Par Clémentine Glardon

Une critique sur le spectacle :

Désordre du discours / D’après Michel Foucault / Conception Fanny de Chaillé / Avec Guillaume Bailliart / Théâtre Saint-Gervais (hors les murs UNIGE) et Théâtre de Vidy (hors les murs UNIL) / du 22 au 27 mars 2022 / Plus d’infos.

© Marc Domage

À l’entrée, on nous souhaite une « bonne conférence » : fausse piste. Dans un amphithéâtre universitaire éclairé, Guillaume Bailliart dit le texte de la leçon inaugurale donnée par Michel Foucault au Collège de France en 1970 sous le titre « L’Ordre du discours ». Foucault y interrogeait les modalités selon lesquelles les discours sont toujours encadrés et régulés dans chaque société, que ce soit dans leur contenu – avec les tabous, le partage de la folie, ou la distinction du vrai et du faux – ou dans leurs modalités d’énonciation. Bailliart prolonge et déplace la réflexion en jouant avec le discours de Foucault. Depuis le public, il prend possession de l’espace, devant, de long en large. Puis il monte sur l’estrade, sur la chaise, sur la table. C’est le texte qui emplit les lieux et prend vie. Tout est rythme, diction et intonations. Le corps investit le discours par des gestes et incarne les mots. Les sons des accessoires qui cognent et glissent changent le rythme, marqué par des bruits de pas ou par une main qui donne la cadence. Les silences, les ombres qui passent sur le visage, sur le mur, démultiplient le comédien, allongent le mouvement ou les doigts. L’accompagnement du discours par le corps et les sons clarifie le propos et rend la performance ludique : les mots ne sont qu’un élément du spectacle. Le fou parle, disait Foucault, et personne n’écoute. Ses paroles forment du bruit, à moins qu’on ne lui attribue le pouvoir de révéler des vérités cachées. Le spectacle présente des analogies avec le discours du fou.