Et si tu devais le décrire à quelqu’un qui ne peut pas voir?

Par Claire Cornaz

Une critique sur le spectacle :

STARs / Écrit et mis en scène par Pascal Rambert / Comédie de Genève / Du 23 mars au 02 avril 2022 / Plus d’infos.

© Magali Dougados

À la Comédie de Genève, Pascal Rambert a conçu, écrit et mis en scène STARs, une œuvre quasi anthropologique qui se veut la voix par laquelle s’expriment six personnes anonymes, travaillant dans les métiers considérés de service, souvent oubliés et pourtant toujours essentiels. Pascal Rambert les voit et considère comme les “stars du quotidien”, et c’est sur les entretiens qu’il a eus avec ces personnes qu’il se base afin de raconter leur histoire. De plus, il ajoute à cela des réflexions scientifiques sur l’astrophysique et les étoiles décorant notre ciel, dans une association d’idées qui mêle la science au théâtre.

La pièce commence dans le noir total. Ou plutôt, elle commence lorsque la lumière s’allume soudainement et éclaire un décor entièrement blanc. Un Big Bang théâtral qui annonce le commencement d’un univers rempli d’étoiles dont on ignore souvent l’existence. Ce changement et cette clarté soudaine aveuglent les spectateurs et spectatrices, tandis qu’un acteur demande à l’autre comment, scientifiquement, sont définis l’univers, l’espace, le ciel et comment ces astres que nous percevons ne sont que des reflets du passé qui atteignent la Terre.  Ici, ce ne sont effectivement pas uniquement des étoiles du ciel dont on parle, mais aussi de celles que l’on oublie, ces étoiles sombres dans un ciel blanc, comme les acteurs et actrices qui portent des tenues sombres dans un décor blanc. Ce sont des personnes dont on parle et à qui on donne la parole, plus particulièrement celles qui ont transmis le récit de leur vie à Philippe Rambert et qui permettent au monde de tourner, sans qu’on le reconnaisse véritablement. De même que tous ces astres et toutes ces étoiles que nous pouvons percevoir dans le ciel ne sont que des images du passé, ces personnes brillent grâce au récit du leur. Le principe est de permettre à leur parole d’être entendue, et ce décor d’une blancheur aveuglante force presque les yeux à se fermer pour mieux écouter. Les entretiens et les discours de chacun et chacune sont profondément personnels, et c’est une part de leur personne et de leur corps qui est jouée sur scène. La pièce est rythmée par les entretiens qu’ont eu les six « étoiles » avec Pascal Rambert, qui sont redits sur scènes par les personnes elles-mêmes, puis repris en monologues par une actrice ou un acteur qui devient alors l’extension du corps et de la voix de l’étoile qu’elle ou il double.

STARs est un spectacle qui suit une logique presque anthropologique, au sens où il parle de l’humain, des personnes et de leurs différentes vies et ce, d’une manière très personnelle. Le rythme manque toutefois de fluidité. Même si elle reste bienvenue car le but est avant tout de mettre en lumière l’histoire de chaque étoile sur scène, on peut se questionner sur le rôle exact de la présence des comédiens et comédiennes. Face aux personnes qui racontent leur propre histoire, ils portent la parole de Philippe Rambert invitant ces interlocuteurs à parler, puis dans un second temps servent  de « traducteur » théâtral pour chaque étoile en portant son monologue. Ce double rôle les place dans une position dont on a du mal à voir la cohérence. Les transitions entre chaque échange avec une « étoile » sont en outre composées d’extraits filmiques, de musiques ou d’accessoires qui leur sont caractéristiques : une chanson en Portugais que l’une d’entre elles écoutait lors de ses voyages pour retrouver sa famille, ou un tutu de ballerine pour celle qui en faisait durant sa jeunesse. Ces transitions ont beau être pertinentes thématiquement, elles alourdissent le rythme du spectacle et produisent un effet de redondance. Ce qui n’empêche pas cette création de rappeler à quel point ces étoiles noires brillent intensément dans notre ciel blanc du quotidien.