Par Elisa Andrade
Les Trois Sœurs / d’après Anton Tchekhov / Mise en scène de Gianni Schneider / TKM Théâtre Kléber- Méleau / du 2 au 21 novembre / Plus d’infos
Après une première mise en scène datant de 2005 dont il ne se satisfait pas, Gianni Schneider propose une nouvelle adaptation des Trois sœurs, d’après l’œuvre d’Anton Tchekhov. Le TKM accueille un décor des plus simples dans lequel les comédiens, par un jeu d’interaction des personnages et une exploitation physique de l’espace scénique, réactualisent le drame d’une société d’antan.
À l’exception de légers remaniements du personnel, la représentation reprend la trame initiale de l’œuvre, ainsi que la majeure partie de ses répliques. On retrouve ainsi trois sœurs qui n’aspirent qu’à retourner dans leur Russie natale et qui idéalisent le Moscou de leur enfance passée. S’enchaînent alors autour de celles-ci multiples drames sentimentaux, familiaux, sociaux ou financiers.
Dans son projet scénique, Gianni Schneider reprend les répliques de l’œuvre de Tchekhov, qu’il garde inchangées, et met ainsi l’accent sur un propos qui résonne avec notre actualité. Si l’œuvre de Tchekhov s’inscrit au sein d’une société en crise dans le tournant de l’histoire russe de la fin du XIXe siècle, cette représentation souhaite poser les mêmes questions existentielles à notre société actuelle. La mise en scène se base sur le texte original et elle semble avoir pour intention de poser au public les mêmes questions qu’aux spectateur de l’époque, cette fois-ci en fonction des enjeux actuels. Ainsi, ce spectacle fait du propos de Tchekhov son socle de base. Il ne s’inscrit plus dans un décor russe de la fin du XIXe siècle, mais les répliques sont mises en évidence par le dispositif scénique épuré. Des plus minimalistes, il se compose principalement d’un plateau central encadré de LED, dont l’intensité varie au fil de la représentation. À droite et gauche de ce parquet, deux cadrans de porte illuminés, à l’arrière un cyclo et, au-devant, un écran qui se déplie et permet de jouer avec des effets visuels. À l’exception d’apparitions ponctuelles de simples cartons en guise d’accessoires, les comédiens se déplacent librement, tantôt sur ou autour du plancher. La pièce est certes actualisée, notamment par les effets scéniques déployés et les costumes contemporains, mais reste difficile à ancrer dans le temps avec précision. Ces stratégies permettent de poser toute l’attention sur les postures des comédiens dans l’espace, ainsi que sur leurs interactions. Une des particularités de cette mise en scène relève en outre du jeu des comédiens. Ceux-ci semblent s’adresser à plusieurs reprises au public, se positionnant explicitement face à lui et le fixant du regard, allant jusqu’à le prendre directement en tant que confident comme le fait Andreï Sergueïevitch Prozorov. Le spectateur ne participe donc pas activement au spectacle, mais semble être invité à réfléchir aux problématiques posées par les personnages.
« Quel sujet ? Rêvons un peu… par exemple, à la vie qu’il y aura après nous, à deux ou trois cents ans d’ici. » (Acte II) : voilà l’une des thématiques qui revient de manière récurrente dans la bouche du lieutenant Verchinine. Si les monologues philosophiques des personnages amènent bel et bien le spectateur à se questionner sur cette problématique, cette mise en évidence des répliques court le risque de manquer de dynamisme. La durée de la pièce dépasse par ailleurs largement le temps annoncé par le TKM, et la profondeur des propos tend à créer une atmosphère quelque peu lourde sur la fin. Toutefois, le dispositif audiovisuel ajoute une touche d’originalité et ne manque pas d’avantager le jeu des comédiens, notamment dans le mouvement de leurs corps. Un écran qui exploite des effets visuels évocateurs, des lumières LED s’intensifiant à certains moments et des musiques de fond qui ponctuent la représentation ; tout cela accentue une atmosphère oscillant entre tragédie et nostalgie.