C’est le silence qui répond… mais à quoi ?

Par Cloé Bensaï

Une critique sur le spectacle :
C’est le silence qui répond / Conception et mise en scène par Yves-Noël Genod / Arsenic – Centre d’art scénique contemporain / du 26 octobre au 1er novembre 2020 / Plus d’infos

© Yves-Noël Genod

Le metteur en scène français Yves-Noël Genod propose à l’Arsenic une création qui se veut en accord avec l’actualité : elle thématise l’incertitude. Les « invités » pénètrent dans une vaste pièce noire, calfeutrée. Pas de sièges, ni de scène : ce sera un « spectacle fantôme ». La démarche refuse toute intellectualisation et toute lecture sémiotique. Genod crée un cosmos dans lequel, privés de tout repère, les spectateurs évoluent hors du temps. L’espace est uniquement peuplé par des silhouettes vaguement perceptibles, dont on ne sait si elles sont spectatrices ou comédiennes. Entre de longs moments de silence, d’attente, de gêne presque palpable ont lieu des performances vocales ou physiques. Les prestations, ou anti-prestations – elles ne visent pas l’adhésion du public – se multiplient : des personnages costumés, dispersés dans la salle, s’expriment en polonais, en anglais, en espagnol, sur des tons et avec des volumes différents. Les interventions jouent avec les perceptions et les émotions des spectateurs. Le sentiment d’inquiétude lié au noir quasi complet s’accroît lorsqu’un ballon rebondit à quelques centimètres de ma tête, ou lorsqu’un drapeau me frôle. Un plongeur en maillot de bain trébuche sur mes jambes et, soudain, c’est la moitié d’un seau d’eau qui coule le long de ma nuque. L’expérience sensorielle est complète, mais elle n’est pas agréable. L’ennui gagne. A-t-on vraiment envie de ressortir mouillée d’un spectacle, même si on comprend l’intention de rendre la séance cauchemardesque ? Comment qualifier même cette expérience ? C’est sans doute l’intérêt de cette démarche que de provoquer ces questions. Celle-ci ne perd-elle pas néanmoins, au profit de l’originalité de la proposition, le cœur même de ce qui fait le théâtre : le désir des spectateurs ?