Ma voix douce et basse

Par Monique Kountangni

Une critique sur le spectacle :
Les Veilleuses / Texte d’Anne-Frédérique Rochat / Mise en scène d’Olivier Périat – Cie Interlope / La Grange de Dorigny / du 12 au 15 mars 2020 / Plus d’infos 

© Martin Reeve

À la Grange de Dorigny s’invite un trio de comédiennes qui, sous prétexte de questionner la maternité et le sens qu’elle peut encore faire aujourd’hui, en profite pour poser de nombreux tabous sur la table avant d’en proposer plusieurs grilles de lectures. On rit (souvent jaune), on serre les dents et peut-être qu’on peut être tentées de rêver de revanche ou plutôt de vraies nouvelles réponses, plus libres et libertaires.

Sur la mélodie d’une série télévisée populaire, débarquent trois femmes masquées, identiquement vêtues et coiffées. Elles ont l’air jeune et bien faites, pourtant le public pourrait hésiter entre le rêve et le cauchemar. Le ton est donné. Le trio évoque tout à la fois les Grâces, les Parques et les sorcières de Macbeth ; c’est qu’il sera question de vie, de mort et de fatalité. En effet, le spectacle questionne ce « pur bonheur » de la maternité que la société vend aux fillettes et aux femmes – à coups de clichés mielleux sur la grossesse et les bébés.  Il donne à voir la pression sociale exercée sur les femmes et par les femmes ; la violence des discours contre celles qui tentent de se soustraire à leur « mission » ; la détresse de celles qui s’y soumettent et dont le corps se trouve comme exproprié ; la transformation physique et psychique et le travail des hormones ; la perte de sens et de liberté. Bien loin de la joie et de la légèreté diffusées dans les magazines.

Le spectacle consiste en un montage de séquences courtes et contrastées, déroulé sur une scène nue, marquée par des éclairages très tranchés qui mettent en valeur la chorégraphie très maîtrisée des comédiennes. L’ensemble est très rythmé, alerte et souvent drôle. Cette ambiance – fallacieuse – de music-hall contraste avec la profondeur et la sincérité du questionnement de l’autrice.

Sur scène, c’est aussi trois personnages qui échangent leur expérience de la grossesse. L’une a (dit-elle) fait appel à un donneur de sperme, l’autre a fait un enfant dans le dos à son amant marié – un accident (dit-elle) – et la troisième est une « multirécidiviste » puisqu’elle attend son sixième enfant. Clichés à gogo, elles racontent leurs histoires et donnent voix à d’autres femmes, d’autres histoires que, sans doute, les femmes du public ne connaissent que trop bien. Cet étrange chœur de futures mères égraine les leçons apprises pour se convaincre qu’il lui revient de veiller à la pérennité de l’humanité. Pourtant la méthode Coué a ses limites et la façade se craquèle, notamment avec l’histoire de Catherine, la professeure de yoga périnatal, qui avait tout pour être heureuse (une vie de famille digne de l’imagerie d’Épinal) et qui pourtant s’est donné la mort. Un contrepoint qui fera basculer le spectacle et ouvrira la voie à celles qui osent se choisir un destin hors des sentiers battus.