Pièce

Pièce

Création par le Collectif GREMAUD/GURTNER/BOVAY / Théâtre de Vidy / du 22 au 31 mars 2019 / Critique par Julia Cela.


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31 mars 2019

Par Julia Cela

© Dorothée Thébert-Filliger

Le Collectif Gremaud/Gurtner/Bovay célèbre dix ans de collaboration en interprétant trois comédiens un rien amateurs en train de jouer. Des premières répétitions aux interviews télévisées, Pièce fait voir toutes les étapes de la création. Une proposition légère et décidément drôle qui renouvelle adroitement la réflexion métathéâtrale.

L’espace évoque une salle de danse dans la lumière du jour. Deux femmes et un homme évoluent sur le plateau. Tour à tour, ils s’avancent et déclament avec ferveur un texte apparemment tragique. Les mots leur échappent, les césures coupent la phrase au mauvais endroit, des inspirations soudaines mais salvatrices sapent le rythme des répliques, comme autant de micro-accidents. Pourtant, tout est drôle. Les personnages jubilent quand une phrase sort correctement ou quand un déplacement réussit.

Soudain, la séquence se suspend : les trois personnages ont levé les yeux vers la régie, au-dessus des gradins. Ils hochent la tête, laissent échapper de légers « ouais » aspirés et attentifs. Alors, on comprend. Les trois personnages sont comédiens et écoutent avec attention les remarques de leur metteur en scène. On assiste à une pièce en train d’être jouée par trois personnages apparemment un peu moins doués que les comédiens qui les incarnent.

Équilibre
L’humour est omniprésent mais parfaitement dosé. Le comique de répétition, qu’il soit d’ordre langagier, physique ou conceptuel est filé avec finesse tout au long de la pièce. Ces effets comiques s’articulent principalement autour de la maladresse des trois personnages. Celle-ci évoque les pratiques théâtrales amatrices sans pourtant jamais les singer : on rit plus de la précision avec laquelle les comédiens incarnent trois comédiens, que du manque d’aisance des personnages.

Cette maladresse, interprétée avec maestria, produit plusieurs effets singuliers sur la manière dont le texte parvient au public, qui guette la prochaine gaffe. Malgré les transformations apportées, on reconnaît Médée et Antigone, que la déclamation hasardeuse des personnages permet de faire réentendre.

Métathéâtre sans lourdeur
Le procédé d’enchâssement proposé par le collectif Gremaud/Gurtner/Bovay est particulièrement efficace. La précision des comédiens en est pour quelque chose. On rit sans satire — et c’est ainsi que Pièce renouvelle tout en légèreté le principe métathéâtral.

31 mars 2019

Par Julia Cela


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