Pour le meilleur et pour le pire

Par Nadège Parent

Une critique sur le spectacle :
La Joie des Autres / Texte et mise en scène de Philippe Soltermann / Centre Pluriculturel et social d’Ouchy (CPO) / du 4 au 7 octobre 2018 / Plus d’infos

© Marino Trotta

Si Ernest Renan écrivait que « la joie des autres est une grande part de la nôtre », la nouvelle création de Philippe Soltermann repose sur un présupposé exactement inverse. On y découvre l’envers des préparatifs d’un mariage et toutes les amertumes que l’heureux événement peut engendrer chez les témoins des futurs époux. Une mise en scène explosive et cocasse, marquée par la performance décomplexée des comédiens.

Une sono, des micros, un rétroprojecteur : c’est un karaoké que deux témoins – la sœur aînée de la mariée et le meilleur ami du marié – s’affairent à organiser, avec un enthousiasme nuancé. Si elle souhaite le bonheur de sa sœur, ses échecs personnels lui laissent de l’amour et du mariage un goût amer. Quant à lui, célibataire endurci et solitaire, il envisage même de déjouer cette union, tant il craint que son meilleur ami ne lui soit ravi. Si le tempérament fougueux et électrique de l’une et la nonchalance de l’autre confèrent à leur échange un ton provocateur et sarcastique, leur relation s’avère toutefois bien plus ambiguë que ne le laissait d’abord présager cette atmosphère conflictuelle. La situation se complique lorsque la future mariée les surprend. S’en suit une série d’altercations explosives et hilarantes. Et c’est précisément sur la démesure des interactions physiques particulièrement engagées que repose tout le savoureux comique de La Joie des Autres. Aux scènes effrénées font également pendant des séquences musicales empreintes d’une bonne dose de second degré. Chantées avec passion, celles-ci dépeignent avec dérision les sentiments des protagonistes : alors que la sœur de la mariée, qui se dit désenchantée, entame « Aimer, c’est ce qu’il y a de plus beau » (Gérard Presgurvic, Roméo et Juliette), le témoin que l’on croyait cynique entonne « Quand on perd un ami » (Gérard Manset). Quant à la future mariée, elle conclut la pièce en reprenant L’Amérique (Joe Dassin) : une allusion cocasse à une métaphore phare du spectacle, que vous découvrirez en allant applaudir La Joie des Autres !