Par Laure Salathé
Une critique sur le spectacle:
Macbeth / D’après William Shakespeare / Adaptation et mise en scène de Valentin Rossier/ New Helvetic Shakespeare Company / La Grange de Dorigny / du 21 au 29 octobre 2017 / Plus d’infos
Macbeth tue Duncan. Puis il tue Banquo. Peu à peu, sa folie prend le dessus. Il ne voit plus clair, ne fait plus la différence entre le réel et ce qu’il imagine. Dans la mise en scène de Valentin Rossier, les spectateurs voient l’action par le prisme de la folie, ne distinguant plus ce qui est du ressort de l’imagination du personnage de ce qui ne l’est pas. Dans ce spectacle créé à l’Orangerie cet été, la pièce de Shakespeare prend une dimension étrange, comme un cauchemar de Macbeth.
Macbeth (Valentin Rossier) offre des discours intenses, criés, hurlés et parfois pleurés. La folie du personnage est amplifiée par le whisky, dont il se sert en abondance. Si son allure est fatiguée à l’ouverture du spectacle, elle se fait vaseuse, défraîchie, au fur et à mesure des meurtres et de la liqueur. Il crie, il pleure, il implore les trois sorcières et exaspère sa femme ; il est perdu, sa peur se noie dans son remords. Son état empire jusqu’au moment où, titubant, sa couronne sur la tête, il s’en va combattre Macduff. La relecture de Macbeth en personnage qui boit explique peut-être le ralentissement progressif de la pièce : les tirades se font un peu traînantes, surtout vers la fin, ponctuée de nombreux silences. Ce rythme, il faut le dire, est lui même quelque peu lassant : dommage que l’état de Macbeth, présenté comme las dès le début, ne puisse que s’aggraver.
La sensation d’assister à une hallucination du personnage donne l’impression de vivre l’histoire à travers les yeux de Macbeth. Les spectateurs sont comme pris au piège et n’aperçoivent jamais l’extérieur de cette petite chambre, tout comme Macbeth est pris au piège dans ses pensées, ses regrets, son délire. La mise en scène de Valentin Rossier nous met en état de voir l’action par le filtre de la folie du roi et de son ébriété. C’est peut-être pourquoi les personnages féminins – les sorcières et surtout Lady Macbeth – sont fortement – et parfois grossièrement – sexualisés, ou pourquoi le spectre de Banquo apparaît de manière absolument épouvantable. Dans cette interprétation, c’est l’attitude détachée de Lady Macbeth, et non la démence de son mari, qui paraît déplacée. Au milieu de tous ces remords, ces personnages sans pitié, et cette volonté de presser le destin qui finit en bain de sang, qui peut dire ce qui est imaginé par Macbeth ?
Dans les scènes de délire, la lumière se fait plus tamisée et une musique psychédélique fournit un fond sonore vaporeux, qui nous plonge encore plus dans l’esprit torturé du roi d’Écosse. L’ascenseur qui permet l’entrée et la sortie de presque tous les personnages apporte une touche d’humour, lorsqu’au milieu d’un dialogue sérieux, les portes s’ouvrent sur une brève sonnerie et que la musique d’ascenseur, dans tous les sens de l’expression, s’introduit dans la chambre d’hôtel. Cette boîte, seul lien avec l’extérieur, nous enferme dans cet espace clos, étouffant, semblable à la folie dont Macbeth ne parvient pas à se défaire. Cloîtré dans cette chambre, il n’en sortira que pour tuer Duncan et pour aller à la rencontre de celui qui le tuera.