Par Artemisia Romano
MDLSX / Compagnie Motus / Avec Silvia Calderoni / Théâtre de Vidy / du 9 mai au 13 mai 2017 / Plus d’infos
Dans MDLSX, Silvia Calderoni nous ouvre à son intimité, à sa quête d’identité sexuelle dans une société où l’ambivalence des genres est son combat quotidien. Au travers de sa performance, elle dénonce avec engagement, humilité mais aussi révolte sa condition d’intersexué dans un monde hétéronormé et parvient à une réappropriation totale de son corps.
Silvia Calderoni nous livre les récits personnels de son enfance en tant que petite fille, de son adolescence et de sa puberté, de ce corps qui grandit mais qui ne se développe pas comme le corps de ses coéquipières de hockey qu’elle observe dans les vestiaires. Puis l’annonce des médecins lui révélant son intersexuation. « De quoi s’agit-il, suis-je anormale » et, surtout, « en quoi ? ».
Elle nous dévoile que son corps a servi toutes les curiosités : du cobaye pour les scientifiques au support à un imaginaire mythologique. Sa trajectoire personnelle témoigne de la violence et du rejet vécu par un corps vivant dans un monde où l’impératif d’une identité stable domine. De la bête de foire aliénée, Silvia Calderoni, à travers la performance, réinvestit son corps et son identité en un être libéré et opère ainsi un déplacement de regard, de l’étrangeté à la bienveillance.
Suivant la forme d’un dj-set, les épisodes de sa vie sont rythmés par la musique Poprock (The Knife, Gonzales, Stromae, The Yeah Yeahs, Air, The Smiths, …) dans un cadre sonore électrique, et dans un univers visuel suggérant le cosmos. Une immense bâche triangulaire argentée, des tables sur lesquelles sont posées des platines, une boule à facettes. Elle tient à la main une micro-caméra dont l’image est projetée sur un écran tel un miroir-loupe, un zoom sur elle, pour voir de plus près cette matérialité androgyne. Ce reflet d’elle-même l’accompagne dans tous ses gestes et mouvements. Car en plus d’être une conteuse, Silvia Calderoni fait mouvoir et sauter son corps au rythme des sons. Paroles et danses s’alternent, créant un dialogue dynamique et donnant l’impression qu’après les mots, le corps doit lui aussi s’exprimer, se libérer.
Le corps, donc, au centre de la performance, est visible dans sa plus grande intimité et dans toute sa pluralité : tout d’abord vêtu, puis nu, puis revêtu. Les vêtements dits féminins et masculins défilent, ils sont portés tour à tour. Son corps se fige parfois : une pose rappelant le christ crucifié, le martyre. Sous nos yeux, ce corps offert nous apparaît femme, homme, puis simultanément homme et femme. L’interférence des genres est palpable. Finalement, c’est la figure de la sirène que ce corps va embrasser, créature légendaire mi-femme mi-poisson incarnant la fluidité et la souplesse ; serait-ce un moyen de s’émanciper de cette rigide bi-catégorisation des sexes ? MDLSX questionne la notion même d’identité, fait table rase des catégories et bouscule la normalité et ses frontières. On en ressort bouleversé.