La Ballade du mouton noir / par le collectif Opus 89 Collectif / Equilibre-Nuithonie / du 11 au 21 mai 2016 / plus d’infos
La Ballade du mouton noir, c’est l’exhortation d’une jeunesse qui refuse d’être la « génération de la dépendance ». Un cri unanime, touchant dans sa pureté, décousu dans sa formulation.
Ils sont cinq et ils cherchent les Nuithoniens. Ainsi débute l’expérience. Il s’agit bien d’une expérience, puisque les personnages (ou comédiens, la frontière est rapidement éradiquée) se livrent à une quête sur plusieurs niveaux pour démontrer et, qui sait, résoudre un problème simple : le monde va mal. Commençons par la fiction. De jeunes gens, sac sur le dos et carte à la main, attendent en pleine campagne l’arrivée du « peuple parfait », ces fameux Nuithoniens, ceux qui devraient avoir compris. Mais ils ne se montrent pas. Ils ne sont pas plus réels, sans doute, que les lacustres d’antan. Ne reste que le public. Alors on cherche ailleurs, on n’abandonne pas, on veut ébranler les normes. On raconte, on débat, on s’interroge. La Suisse est-elle idéale ? A-t-on besoin de mythes fondateurs ? Et puis, les normes du théâtre sont démantelées, elles aussi. On parle au public, on l’intègre. « Ça vous troue le cul que ça sorte, que ça parle ?! ». Courageuse utopie que de vouloir déconstruire les utopies. Difficile toutefois d’éviter les poncifs pour ce jeune collectif plein de fougue, tout juste sorti de l’Insas de Bruxelles.
Leurs idées sont un collage. À l’image de ces énormes cartes géographiques frémissantes abritant les cinq acteurs à la fin du spectacle, ça s’empile, ça s’entrechoque par à-coups, ça se déchire parfois… Et malheureusement, la colle déborde un peu. Il faut dire qu’on y mêle tout : la recherche des Nuithoniens nous rappelle Voltaire, Diderot, les Lumières qui tentaient de trouver un nouveau regard avec lequel questionner leur époque. Sur fond d’électro, on repense aussi au film LEGO lorsque les comédiens gesticulent sous les douches, aliénés par leur routine. Et puis, il y a cette tendance très actuelle : briser le quatrième mur, prendre le public à parti. En faire un acteur puisqu’il doit agir, et agir au-delà de cette salle, au-dehors, dans le monde. Ouvrir les portes et sortir, comme les comédiens. Jolie image, d’ailleurs, que cette dernière scène chantée a capella face au monde, dos à nous mais avec nous. Tous les regards tournés dans la même direction.
Sur la scène nue et noire, les beaux tableaux sont multiples. On entre dans une salle sombre, embrumée et, dès le lever de rideau (ou plutôt l’allumage de lampes de poche), les voilà qui se succèdent au rythme des questionnements. Les parapluies, tantôt tente, tantôt totem, finissent par trouver leur véritable usage sous un ciel endeuillé ; le sac à dos en cuir se fait monstre parlant quand Noémi raconte son abattement. Mais on regrette qu’ils ne soient pas davantage dirigés, ces tableaux. La méthode démocratique de ce collectif qui s’entre-écoute produit une myriade d’idées qui s’entremêlent. Peut-être le spectacle gagnerait-il à faire des choix : les messages s’éparpillent au détriment de la profondeur.