Cette année Noël est annulé

Cette année Noël est annulé

Carte blanche à Robert Sandoz / Laboratoire spontané du Théâtre Am Stram Gram / du 15 au 20 décembre 2015 / Critiques par Waqas Mirza et Lauriane Pointet.


15 décembre 2015

Et le Vent volera Noël

©Elisabeth Carecchio

Le directeur du théâtre Am Stram Gram Fabrice Melquiot a mis le metteur en scène Robert Sandoz à l’épreuve en lui imposant le titre d’un spectacle à monter pendant les fêtes : “Cette année Noël est annulé”. Défi relevé à cent à l’heure. Un trio d’improvisateurs comiques, dont Sandoz lui-même, divertit les enfants pendant une heure, et parvient même à leur enseigner deux ou trois choses.

“Racontez-moi votre plus grosse bêtise” demande Robert (Sandoz) à un public d’enfants attentifs. Mais lorsqu’il s’agit de bêtises, il semble que les enfants genevois n’aient pas grand chose à faire valoir. “J’ai cassé le vase de ma mère”, avoue un petit garnement au premier rang. “Je suis tombée”, confesse sa voisine. À peine l’aveu proféré, l’acteur-metteur en scène interrompt avec fierté: “C’est pas des bêtises ça, c’est des broutilles, des peccadilles. Vous, vous n’avez jamais fait de bêtises.”

Installés sur la scène, les spectateurs s’imaginaient peut-être assister aux scénarios catastrophiques traditionnels: le Père Noël qui tombe du toit ou encore le Grinch de Dr. Seuss. La surprise est bien grande lorsqu’ils sont invités à descendre en coulisses et tombent nez à nez avec Robert arborant ni plus ni moins que son caleçon, des chaussettes et un chapeau vert en forme de sapin. Couvert de ruban adhésif blanc et rouge, il est un peu embarrassé. Alors, avec un style impromptu qui capte et maîtrise tout de suite l’attention des enfants, démarre un spectacle aux allures de one man show.

Mais il est loin d’être seul face au public, le quadragénaire à tenue légère. Rapidement surgissent Adrien et Ernesto, deux musiciens-acteurs qui tiendront compagnie à Robert tout au long de cette mise en scène hautement interactive. La complicité entre ces trois acteurs est parfaite, même lors de petites scaynètes improvisées à grande vitesse. L’un reprend le fil exactement là où l’a laissé l’autre. Et malgré le rythme généralement très soutenu du spectacle, ils parviennent toujours à intégrer les imprévus à l’intrigue principale.

A l’origine de toute cette histoire: la séparation des parents. Désespéré par la nouvelle, Robert demande à monsieur le Vent d’annuler Noël. Mais une discussion avec son amie Sylvia lui révèle les « avantages » des célébrations redoublées dans les familles recomposées. Il change alors d’avis, et quand le Père Noël le remercie au téléphone de cette retraite bien méritée, il lui demande de rétablir la fête. Mais le vieux barbu a raccroché, il est déjà parti pour les Bahamas en bermudas. La même demande est aussi rejetée par M. le Vent, qui accepte toutefois d’entrer en matière, à condition que chaque année, Robert réussisse une épreuve pour sauver Noël.

La plupart d’entre elles font intervenir le public, ravi de participer à l’action. Et les idées sont plutôt ingénieuses, pour une équipe qui n’a eu qu’une seule semaine de répétitions. Première épreuve: la composition d’une chanson de Noël avec l’aide du public. Adrien pouvait certes facilement s’attendre aux mots cadeaux et au sapin proposés par les enfants. Mais lorsqu’il improvise et fait rimer raclette avec fourchette dans un scénario loufoque de fondue ratée, il reçoit également l’admiration des plus âgés. Et le public est aussi physiquement sollicité. Quand l’épreuve consiste à retrouver la météo festive qui se fait attendre à cause du réchauffement climatique, la scène est soudain inondée de boules blanches et se transforme en terrain de bataille de boules de neige. Apprendre en amusant, tel semble être une des devises de ce spectacle qui voit Robert “nager” entre les sièges bleus du théâtre pour ramasser les déchets en plastique dans la mer.

Pour l’épreuve de 2014, il fallait trouver un sapin de Noël pour la place de Neuve. Adrien et Ernesto apportent alors un grand chapeau en forme de sapin, et du ruban adhésif pour habiller Robert en sapin. Il y a comme un air de déjà-vu… Les plus malins auront flairé la mise en abyme et deviné le contenu de l’épreuve pour 2015 : monter un spectacle de qualité pour Noël. L’épreuve est indubitablement réussie. Le Vent accepte de ne plus soumettre Robert aux épreuves, s’il promet de toujours dire la vérité en dehors de la salle de spectacle. Ainsi s’achève l’histoire toute bricolée de Robert, avec un enseignement moral, à retenir: mentir, c’est mal, et ça privera les petits de leurs cadeaux.

15 décembre 2015


15 décembre 2015

Les coulisses à l’honneur

©Elisabeth Carecchio

Créer en une semaine un « spectacle pour enfants de qualité », telle était la mission donnée à Robert Sandoz dans le cadre des laboratoires spontanés du théâtre enfance et jeunesse Am Stram Gram à Genève. Le metteur en scène a relevé le défi avec ses deux comparses Adrien Gygax et Ernesto Morales.

Robert (Robert Sandoz), alors qu’il vient de fêter ses huit ans avec la « fanfare des huit ans » (Adrien Gygax, Ernesto Morales), demande au Vent que Noël soit annulé car ses parents veulent se séparer. Quand il se rend compte de son erreur, impossible de revenir en arrière. Le Vent accepte finalement un compromis : chaque année, Robert pourra sauver Noël s’il accomplit une mission particulière. C’est ainsi qu’il devra, en 1983, succéder à Tino Rossi pour créer une chanson de Noël, ou, en 2010, faire tomber de la neige malgré le réchauffement climatique. Or le défi de 2015 vient d’arriver… et il est particulièrement difficile à relever ! Mais tout cela est-il vrai ou inventé ? La fanfare des huit ans existe-t-elle ailleurs que dans la tête de Robert ? Au-delà du pitch de base, le spectacle propose aussi une mise en abyme du théâtre et une réflexion sur le travail du comédien.

Dans sa mise en scène, Robert Sandoz semble avoir choisi le parti pris de démystifier le théâtre aux yeux des enfants. Pour commencer, les spectateurs ne s’installeront pas confortablement dans leurs fauteuils. Non, ils seront assis sur la scène, dans des zones délimitées par du ruban adhésif, et les comédiens circuleront tout autour d’eux. Le public passe donc de l’autre côté du rideau, et découvre les aspects techniques du théâtre (machinerie, lumières, etc.). Le spectacle ne s’embarrasse pas de décor – tout au plus une caisse en plastique retournée sur laquelle sont posées des boules de sagex représentant une crèche, et tous les artifices théâtraux sont montrés comme tels par nos trois comédiens. La voix du Vent, par exemple, est réalisée sous les yeux des enfants par un comédien parlant dans un micro derrière des ventilateurs et celle du Père Noël par Robert lui-même, dans le micro d’une radio-jouet.

Kazoo, guitare, accordéon, piano, tambour… les comédiens se transforment aussi en musiciens durant ce spectacle, pour offrir différentes chansons rythmées et refrains pouvant être repris en chœur par le public. Le spectacle se veut en effet participatif, un bon moyen d’intéresser les enfants au théâtre. Le public peut tour à tour goûter de la dinde de Noël ou du Champomy, sauter à pieds joints et taper des mains ou se lancer dans une bataille de boules de neige. Le spectacle laisse la porte ouverte à l’improvisation et donne aussi la parole aux plus jeunes, ravis de pouvoir raconter les bêtises qu’ils ont faites ou de proposer des mots à placer obligatoirement dans la « chanson de Noël ».

Spectacle pour enfants, Cette année Noël est annulé, propose aussi quelques références et clins d’œil pour faire sourire les adultes. Outre les éléments mentionnés plus haut, la structure de la pièce (géniale mise en abyme) et les surprises dans la mise en scène devraient pousser les parents à accompagner leurs têtes blondes pour découvrir ce spectacle original.

15 décembre 2015


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