Münchhausen ?
De Fabrice Melquiot / mise en scène Joan Mompart / Théâtre Am Stram Gram/ du 29 septembre au 18 octobre/ Critique par Julia Cela .
29 septembre 2015
Par Julia Cela
Love from Gibraltar
Moi, Son seul pote, Elle et l’Inconnu au bataillon deviennent les héros des aventures contées par le fantôme du Baron de Münchhausen, narrateur de ses exploits : un grand voyage ponctué de flatulences qui s’échappent du Baron, comme les histoires qu’il n’a pas le temps de raconter.
Les cheveux en houppette dégarnie, un sourire tranquille sur le visage, le Baron de Münchhausen regarde les spectateurs s’installer : il attend la pleine attention de son auditoire. A l’ouverture du rideau, il rejoint le décor dépouillé, en camaïeu de blancs. Une chambre d’hôpital. Debout sur son lit, des grimaces, des pets, du burlesque. Des gribouillis envahissent les murs blancs. Dans un coin, une silhouette camouflée et immobile. Entre alors un personnage à houppette plus fournie : il est plus jeune. C’est le fils rendant visite à son père. Excédé de prendre soin du fou. Père et fils se disputent. La dispute se solde par la mort du Baron. Le fils devient alors le narrateur de sa propre histoire : celle du fils qui commence à croire au monde merveilleux des histoires de son père.
« J’ai eu trente ans le jour de la mort de mon père. Mon père est mort le jour où je lui ai dit de se taire». C’est donc l’histoire d’un jeune homme qui ne croit plus aux histoires du vieillard. Qui pense l’avoir mené à la tombe le jour où il en eut assez des contes. La culpabilité devient un dragon dans le cœur du jeune homme. Le dragon prend de plus en plus de place, jusqu’à prendre forme et devenir réel, nous raconte le fils. Parfois, le dragon et lui regardent la télévision ensemble. Petit à petit, cependant, le deuil ouvre la porte à l’imaginaire et au monde des histoires. Un cheval à l’enterrement, des voix, des bruits de pets qu’il croit reconnaître. « Mon père est mort en disant qu’il avait un truc à faire et que ce truc, c’était revivre». Un soir, alors que le fils ne trouve pas le sommeil, le fantôme du père est là. Le voilà donc campé sur ses deux pieds, prenant son fils par la main pour le jeter dans la vie.
Ils entament alors un magnifique voyage. Le fils rencontre « Elle ». Elle est belle et intelligente. Au premier rendez-vous, il ira avec « Son seul pote ». Sur le décor blanc poussent un jardin et un petit café. Ils boivent tous les trois des « trucs zarbi ». L’étrange silhouette cachée dans le décor prend le rôle de serveur. C’est « l’Inconnu au bataillon », qui se glisse dans la peau de tous les personnages secondaires. Le Baron est là lui aussi, visible pour son fils seulement. Une longue série de pets révèle sa présence aux comparses de son fils. Plus la peine de se rendre discret. Il emporte alors tous les personnages au cœur de ses aventures. Cette course folle, entrecoupée de batailles d’oreillers, emmène les personnages jusque dans l’espace, ou encore au cœur de la Terre. Puis la course se ralentit, et mène les quatre comparses à Gibraltar. Sur l’immense rocher, entre deux plaques de marbre, on glisse une feuille portant l’indication : « Liste de choses à imaginer afin qu’elles soient prouvées plus tard». On y écrit, afin que le rythme fou des récits jamais ne se suspende.
Au théâtre Am Stram Gram, on assiste pendant un peu plus d’une heure à la matérialisation sur scène de rêves d’enfants déjantés. Les enfants dans la salle rient fort et de bon cœur. Les personnages, s’extrayant parfois des événements pour s’adresser au public et raconter, nous entretiennent avec beaucoup d’humour. Le plongeon dans les histoires du Baron de Münchhausen aura donné à son fils « une passion » et « une amoureuse ». On se prend à croire un instant à l’extraordinaire. C’est rassembler une famille par le merveilleux, et faire naître de l’amour dans l’imagination. Une magnifique histoire dont le ton et le visuel ne sont pas sans évoquer Alice au Pays des merveilles ou encore Big Fish de Tim Burton. Un spectacle bienveillant où le fond blanc de la folie ne laisse que plus de place à la peinture de l’imagination. Avec beaucoup de pets, savamment orchestrés, drôles pour tous les âges.
29 septembre 2015
Par Julia Cela