par Noémie Desarzens
Röstigraben / d’Antoine Jaccoud et Guy Krneta / mise en scène Nicolas Rossier / du 17 au 19 mars 2015 / Equilibre-Nuithonie / plus d’infos / en tournée jusqu’au 31 mai 2015
Grüezi mitenand ! Röstigraben propose une expérience théâtrale bilingue – entre Romandie et Suisse alémanique – qui nous confronte avec humour et dérision à nos propres clichés sur nos concitoyens. La formule du théâtre à midi : une expérience étonnante et conviviale.
Alors que les gens s’assoient à table, vont commander un verre de vin ou une eau minérale, Daisy Golay (Geneviève Pasquier), munie d’une serpillère, lave énergiquement le sol, puis le cadre de la porte, et finalement le luminaire. Le tout sur des chansons pop en suisse allemand. Tout ce remue-ménage a pour but d’accueillir au mieux Niklaus Fischer – un compatriote fraîchement débarqué de Bâle. Le cadre est posé : une rencontre bilingue, entre culture romande et suisse alémanique. Mais cette rencontre n’est pas aisée, à cause de la barrière des langues ; la fameuse barrière de rösti – ou Röstrigraben.
Cette comédie signée Antoine Jaccoud et Guy Krneta s’insère dans le concept de « Midi, théâtre ! » établi depuis la saison passée, qui veut allier les plaisirs gustatifs à ceux de la scène. Cette création originale est une commande du metteur en scène Nicolas Rossier à Antoine Jaccoud, déjà auteur de Chambres d’amis joué au Théâtre des Osses cette saison. Cette pièce illustre les difficultés de communication, et également les clichés qui peuvent surgir de cette barrière des langues.
Niklaus Fischer doit effectuer un stage obligatoire de l’autre côté du röstigraben – une close établie par la Confédération, afin de créer des liens entre ces deux identités helvétiques. Très vite, le Bâlois se retrouve perdu dans la prolifération langagière de la volubile Daisy Golay. S’ensuivent alors des monologues simultanés, les personnages se parlant à eux-mêmes, faute de se comprendre mutuellement.
Arrivent nécessairement des incompréhensions : Niklaus croit bien faire en offrant à son hôtesse des « délicatesses » d’un célèbre chocolatier suisse alémanique (des Luxemburgerli). Cette dernière croit qu’il a apporté un vulgaire pique-nique, « comme ces Hollandais » !, et jette la jolie boîte par terre. Ce malentendu déclenche une dispute parce qu’elle croit qu’il veut la quitter pour partir au Luxembourg.
L’aspect formel de cette pièce est très minimal : une très petite scène agrémentée d’un cadre de porte qui peut être déplacé sur le plateau, un luminaire et une petite table avec deux chaises. Le spectacle se déroule en deux temps : la première partie marque la rencontre et la confrontation entre les deux protagonistes. Ils prennent ensuite un thé ensemble, comme marque de réconciliation. A ce moment-là, Niklaus accroche une pancarte à la porte : « ESSENS ZEIT ». Les plats du « Souffleur » sont alors servis au public. La représentation reprend lorsque les spectateurs ont fini de manger.
Ce spectacle, tant gustatif que théâtral, parle avec humour des différentes identités qui forment notre belle Helvétie. Un moment pétillant, dans un cadre inhabituel – voir une pièce à midi, en plein jour ! – une expérience à vivre.