par Noémie Desarzens
Monsieur, Blanchette et le Loup / d’après Alphonse Daudet / texte et mise en scène José Pliya / du 4 au 15 mars 2015 / Petit Théâtre de Lausanne / plus d’infos
Gardée captive dans la maison de son maître, l’immaculée Blanchette commence à s’ennuyer. Pour la protéger, Monsieur lui fait croire qu’elle est une vache. Lorsqu’elle se rend compte que ce sont des mensonges (ou carabistouilles), la petite chèvre préfère affronter le monde extérieur plutôt que de rester cloîtrée.
« Il est bizarre le monsieur », chuchote une petite fille du public en observant l’homme qui, sur la scène, est couché sur une chaise longue. Les lumières commencent ensuite à baisser et plongent le public dans la pénombre. L’homme est « bizarre », en effet ! C’est le loup, vagabond et séducteur. Il s’est installé il y a peu à proximité d’une ferme ; il a pour voisin Monsieur, éleveur de chèvres. Et tous les matins, Monsieur se rend compte qu’une nouvelle chèvre est portée disparue. Il décide, lorsque la dernière disparaît, de partir en voyage. A son retour, il barricade sa propriété. Le Loup découvre qu’il y cache une magnifique chèvre d’un pelage immaculé. Sa tentative de séduction peut alors recommencer…
Avec Monsieur, Blanchette et le Loup, José Pliya offre une réécriture du célèbre conte de La Chèvre de Monsieur Seguin d’Alphonse Daudet qui émerveille par sa fraîcheur et son inventivité esthétique, sans pour autant ôter la dimension tragique de cette histoire. Cette création est la deuxième production pour jeune public du metteur en scène béninois. En janvier 2011, il avait mis en scène Mon petit poucet, un autre conte qui l’a marqué durant son enfance. Cet intérêt pour les contes de son enfance, José Pliya l’explique par la prise de conscience, étant enfant, du « tragique de la vie ». Bien qu’il travaille et habite aux Antilles depuis plus de dix ans, il ne veut pas considérer son travail comme une « relecture antillaise », car il veut que son écriture soit « post-racialiste ». Au contraire : cette réécriture du conte d’Alphonse Daudet fait transpirer ses origines africaines et son parcours professionnel pluriculturel.
La tragique histoire de Blanchette, petit chèvre blanche éprise de liberté, est structurée en treize scènes, qui ne réunissent jamais les trois interprètes à la fois, mais fonctionnent plutôt sur le mode du duo – Monsieur et le Loup, Monsieur et Blanchette, Blanchette et le Loup. Le décor, très minimal, joue sur la suggestion. Un plancher et un mur figurent la devanture de la maison de Monsieur. Tout comme le décor, l’animalité des interprètes n’est jamais figurative, mais suggérée par des accessoires (tapis en peau de chèvre, tête de loup) et le comportement des comédiens. A ces aspects simples, mais efficaces, s’ajoute le travail de la lumière, dont les jeux permettent de rythmer et de rendre tangible cet espace scénique plus suggéré que matérialisé. Lorsque Blanchette est enfermée à l’intérieur du domaine de Monsieur, son mouvement circulaire causé par la corde attachée autour de son cou est ainsi suggéré par un faisceau lumineux l’encerclant.
En plus de ce décor minimaliste finement construit, on salue le travail esthétique et corporel de cette retranscription contemporaine de La Chèvre de Monsieur Seguin. On apprécie également la performance de Blanchette (Karine Pédurand), qui intègre avec élégance la danse au jeu, ainsi que les qualités esthétiques de son costume. Tout ce que porte cette interprète est d’un blanc immaculé : sa perruque, ses faux cils et ses divers habits.
Une vive et chaleureuse recommandation pour ce spectacle pétillant, qui s’adresse aux petits et grands, à découvrir jusqu’au 15 mars au Petit Théâtre à Lausanne.