par Elisa Picci
Janine Rhapsodie / d’après Molière / texte et mise en scène Julien Mages / du 5 au 15 mars 2015 / Théâtre Arsenic / plus d’infos / en tournée jusqu’au 8 novembre 2015
Janine Rhapsodie, spectacle écrit et mis en scène par Julien Mages, est inspiré du Misanthrope de Molière. Il présente toutefois non pas un, mais une misanthrope. Caractéristique originale qui met en évidence le fait que la quête de la vérité, d’une vérité, est tout à fait transposable d’un homme à une femme. Car c’est bien de cela dont il s’agit : la misanthrope, à l’image d’Alceste, dénonce l’hypocrisie de la société en prônant l’importance du vrai.
Pour le spectateur, l’effet de surprise est immédiat. Une jeune femme, visiblement dans un état second, commence à discuter avec le public alors que les lumières sont encore allumées. Elle intrigue le spectateur en annonçant que « tout est faux ». Plutôt amusant quand on sait que le thème de la pièce est celui de la vérité. Puis vient l’obscurité. La scénographie est très épurée. Sur la scène, un grand tableau blanc qui sert d’arrière-fond, une table avec quelques feuilles et une chaise. Les acteurs, lorsqu’ils sortent, s’assoient sur les côtés de la scène, devenant ainsi également des spectateurs.
Chaque personnage se découvre peu à peu dans un crescendo intéressant qui permet de tenir le spectateur en haleine. Janine est une essayiste plutôt brillante qui enseigne apparemment dans un gymnase. Elle fréquente un musicien guidé par ses pulsions sexuelles, qu’il semble avoir du mal à réfréner. Elle est confrontée à un homme d’affaire, auteur d’un essai que la jeune femme a tout bonnement démoli dans l’un de ses articles. D’abord mystérieux, le businessman s’adoucit pour laisser entrevoir un homme admiratif et amoureux de cette misanthrope vraie et authentique. Intervient aussi une jeune femme toxicomane et ancienne prostituée. Ils sont tous extrêmement différents, mais chacun a sa propre relation à la vérité. Janine n’est effectivement pas la seule à dire les choses telles qu’elles sont. L’homme d’affaire se cache derrière son pouvoir pour oser affirmer des choses qu’il pense indiscutables. Il représente un pouvoir oppressant duquel il est parfois difficile de s’affranchir. Le compagnon de la misanthrope utilise quant à lui un langage extrêmement direct, souvent grossier, mais toujours sincère. Il n’hésite d’ailleurs pas une seconde à critiquer Janine en des termes violents : « Tu as la gueule de Goliath ». La toxicomane, elle, représente une réalité bien triste de notre société, celle des gens marginalisés mais cependant très conscients du monde dans lequel ils vivent et de cette société qui les rejette.
Molière s’est arrêté au projet de fuite d’Alceste. Julien Mages a voulu représenter la retraite de sa misanthrope : le grand panneau blanc s’écroule ; une fois la surprise passée, on aperçoit Janine, perchée en haut d’un toboggan, partant dans un délire incompréhensible. Le tonnerre gronde ; nous sursautons. La misanthrope semble avoir perdu la raison : fin plutôt lugubre, mettant les personnages et les spectateurs face à la folie, la mort, le désespoir.
Pourquoi Janine Rhapsodie ? Mystère que l’on vous invite à résoudre en vous rendant au théâtre de l’Arsenic jusqu’au 15 mars, pour ce spectacle à la fois bizarre, dérangeant, amusant, curieux… et qui quoi qu’il en soit ne laissera pas indifférent.