Par Deborah Strebel
D’après William Faulkner / mise en scène Séverine Chavrier / du 25 septembre au 12 octobre 2014 / Théâtre Vidy Lausanne / plus d’infos
Les Palmiers sauvages racontent une passion destructrice, de l’idylle naissante à la complète déchéance. Particulièrement dense, saturée de vidéos et autres effets sonores, cette adaptation d’un roman de Faulkner s’inscrit dans une étouffante, assourdissante et aveuglante logique de l’excès.
La lumière s’allume et donne à voir une scène particulièrement encombrée. Des chaises empilées ici, des boîtes de conserves et des caisses entreposées là, des couchettes alignées les unes à côté des autres, ainsi que de multiples lampes inondent l’espace, créant ainsi un étouffant fouillis. Ce décor surchargé aux allures de brocante se muera, comme dans le roman, en plusieurs lieux difficilement identifiables et accueillera les tourments d’un couple, celui de Charlotte Rittenmeyer et Harry Wilbourne.
Séverine Chavrier a choisi de développer l’un des fils narratifs du roman Les Palmiers sauvages du prix Nobel de littérature, William Faulkner. Dans ce texte, écrit en 1938, deux histoires s’entrecroisent : l’une raconte comment un détenu lutte contre les intempéries pour sauver une femme enceinte, l’autre décrit la relation tumultueuse, des prémisses à l’autodestruction, entre un étudiant en médecine et une femme mariée. C’est donc autour de ce second récit que la metteure en scène, philosophe et musicienne a choisi de travailler. Prenant comme point de départ, les « moments de lucidité » des deux personnages, elle a ensuite collaboré étroitement avec les acteurs dans l’espoir d’inventer une langue qui serait propre aux deux amants. En résulte un mode de communication particulièrement tactile et varié mélangeant les cris et les murmures.
Ces nombreux échanges sont parasités par de multiples interruptions dont de violents et éblouissants éclairs retentissant à de brefs intervalles ainsi que des morceaux de musique alternant hard rock et mélodies plus douces. Si parfois, le son comble les vides des dialogues, il arrive aussi qu’il accompagne les discussions. Il est vrai que le spectacle emploie simultanément divers moyens techniques en faisant appel tantôt aux projections tantôt à la musique. Ainsi, à l’encombrement de l’espace scénique s’ajoute une surabondance d’informations délivrées soit successivement soit conjointement par le jeu sur scène, par les vidéos et à travers les bruits.
Au sein d’un tel chaos, le spectateur est plongé dans l’intimité d’un couple. La majorité du temps nus, les amoureux sont dans leur lit. Lieu où apparaissent et où se terminent la plupart des histoires d’amour, le lit est ici décliné sous toutes ses formes, qu’il se trouve à une place précise ou qu’il s’étale sur une grande partie de la scène par des matelas mis bout à bout. La sensualité est par conséquent mise à l’honneur, Charlotte et Harry ne quittant que rarement ce charmant cocon. Néanmoins, le temps passe et leurs sentiments s’effritent. La passion folle et fusionnelle des débuts cède sa place à la pure déchéance tel un feu qui après s’être rapidement enflammé, s’éteint. Les innocentes galipettes se prolongent en intenses ébats pour aboutir ensuite à un avortement. De l’attraction à la répulsion, cette adaptation des Palmiers sauvages se focalise donc sur un amour et son improbabilité, thématique déjà abordée par Séverine Chavrier lors de projets antérieurs tels que « Epousailles et représailles » en 2010 ou encore « Série B », l’année suivante.
Bruyant, agité et aux tonalités trash, ce spectacle décliné en divers chapitres accumule les effets jusqu’à en assourdir, éblouir voire aveugler le public. Troublante expérience, à tenter pour les plus aguerris au Théâtre de Vidy.