Par Laura Pallù
Une critique du spectacle :
Nobody dies in dreamland / par la Cie Love Love Hou ! en collaboration avec la Cie Latitude45 / mise en scène Attilio Sandro Palese / Théâtre 2.21 à Lausanne / du 3 au 8 juin 2014 / plus d’infos
Un couple de prolétaires rock and roll qui s’adresse à un prêtre militant fanatique et corrompu pour sauver son âme ; un autre couple, plus aisé, qui pratique une spiritualité new age, mais vit de matérialisme et d’apparences. Nobody dies in dreamland montre l’égarement des hommes entre réalité et croyances.
Dans une société scientifique comme la nôtre, basée sur la raison, il y a encore des choses que nous ne comprenons pas et qu’on ne peut pas contrôler. Souvent, face à son existence, l’homme se retrouve perdu sans savoir même les raisons de ce sentiment, comme les protagonistes de cette pièce.
Luca et Raphaël se retrouvent à un point de leur vie où ils doivent faire face aux incertitudes de leur destin. Luca peine à communiquer avec sa femme qui le méprise, et Raphaël n’arrive pas à trouver un boulot à cause de ses problèmes d’alcool. Puisque la raison ne peut pas les aider dans ce type de problèmes, les protagonistes cherchent de l’aide auprès d’une autorité extérieure, l’un chez un prêtre, l’autre chez un psychothérapeute : deux sortes de guides spirituels. Mais cette recherche de spiritualité n’est-elle pas une façon d’échapper à la réalité, risquant de créer davantage de confusion ? Dans la pièce, en effet, Luca ne résout pas ses problèmes de couple en pratiquant de la méditation avec sa femme, ni en partant avec elle pour des vacances de rêve en Thaïlande. Quant à Raphaël, en travaillant pour le prêtre qui lui promet de sauver son âme, il ne gagne rien de bon pour sa famille. Tous deux se sont fait attirer par des paradis artificiels, qui tôt ou tard se révèlent trompeurs, et ils devront faire face à la réalité des faits. Il est difficile de savoir si nos actions sont vraiment déterminées par nous-mêmes ou si, quoi que l’on fasse, on reste seulement des marionnettes soumises à la volonté de forces plus puissantes que nous. La pièce semble suggérer que, dans le doute, il vaut la peine d’essayer de se rebeller.
Cette pièce n’aborde pas seulement le sujet de la spiritualité de l’époque contemporaine et des illusions. Il y est aussi question de fanatisme, de problèmes de couple, de problèmes du monde du travail, ainsi que des inégalités sociales. C’est une comédie engagée, dense et délirante, avec de longs dialogues. La vision critique de notre époque que propose Palese ne vous laissera pas indifférents. Son analyse de la société se distingue par une approche de fin psychologue de la nature humaine et d’attentif observateur des relations entre les hommes. La force de cette comédie satirique réside surtout dans le jeu dense et violent des comédiens, sans grande attention prêtée au décor qui, dans la salle du bar du théâtre 2.21, se limitait à des effets de lumières colorées permettant de donner plus ou moins d’intensité aux différents moments. La tension du spectacle était donc surtout véhiculée par le texte de la pièce. Malgré une mise-en-scène parfois excessivement brutale et délirante, un regard très lucide et véridique sur l’actualité.