One Man Show

Par Joanna Pötz

Une critique sur le spectacle :
Macbeth (the notes) / d’après Shakespeare / adaptation et mise en scène Dan Jemmett / Théâtre du Jorat à Mézières / vendredi 27 juin 2014 / plus d’infos

© Dan Jemmett
© Dan Jemmett

Entre « stand up comedy » et pièce de théâtre, Macbeth (the notes), conçu par Dan Jemmett et joué par David Ayala, jette un regard acéré sur la célèbre pièce de Shakespeare et sur notre conception du théâtre.

A l’ouverture, sur la scène généreusement éclairée, il n’y a qu’une chaise et, dans un coin, une table. L’unique personnage de la pièce apparaît : il s’agit du metteur en scène d’un Macbeth. Il commence à commenter, féliciter un peu, et critiquer beaucoup ses comédiens – Roger, Jean-Marc, Stéphanie, Marco, etc. – fictivement incarnés par le public. Au fil de sa revue de la « pièce écossaise », il alterne critiques aux acteurs, franchement comiques, et interprétations du texte de Shakespeare, à donner la chair de poule. Il joue tour à tour plusieurs personnages, importants ou secondaires, comme Macbeth, Lady Macbeth, ou Malcom. Peu à peu, il se prend au jeu, s’anime et manifeste plus de véhémence dans ses remarques. Devenu fou à l’instar du personnage dont il raconte l’histoire, il finira par se déshabiller, s’installer dans une baignoire (celle dans laquelle Duncan est assassiné), se barbouiller de sang, en ressortir et déclamer une dernière tirade de Shakespeare.

Cette mise en scène de Macbeth, on l’a compris, est totalement originale : plutôt que d’être une version de la pièce, elle relève le pari d’en être une réflexion. Elle met en lumière sur un mode humoristique les écueils qui menacent ceux qui s’attaquent à la mise en scène d’un monument shakespearien. Il y a par exemple les problèmes liés à la techniques – bandes sons et bruitages ridicules – ou ceux qui peuvent être liés au jeu des acteurs – un ivrogne peu convaincant, le mauvais usage du corps et de la présence sur scène. Ce spectacle dévoile ainsi les dessous du théâtre et les conceptions qui l’entourent, en laissant voir au spectateur comment se monte une pièce. Comment faire pour que le spectateur croie à ce qu’il voit sur scène ? Est-ce d’ailleurs important ? On sent derrière cela une réflexion autour des grandes théories aristotéliciennes, celles aussi du théâtre classique, ou encore les théories brechtiennes. Comme l’a soulevé David Ayala dans la discussion qui a suivi la représentation, ces moments sont les plus sincères car ils sont inspirés de son expérience et de celle de Jemmett en tant que metteur en scène.

Cette mise en scène offre également un regard particulier sur le théâtre de Shakespeare que Jemmett et Ayala connaissent bien pour avoir mis en scène et joué ces dernières années plusieurs de ses pièces (notamment La Comédie des erreurs entre 2010-2012). Le metteur en scène, personnage du spectacle, met en lumière les moments-clés de la pièce originale, ceux qui poussent par exemple Macbeth vers la folie. Il insiste ainsi sur le moment où Macbeth reçoit la nouvelle de l’arrivée du roi Duncan, ce qui le pousse au meurtre. La création relève également du registre de la « stand up comedy », une sorte de one man show improvisé répandu dans le monde anglophone. Cela permet de créer une connivence particulière avec le public et de laisser une grande part d’improvisation dans le spectacle – comme dans le théâtre élisabéthain, lorsque le texte dramatique en tant que tel n’existait pas. En outre, les éléments de « stand up comedy » permettent d’allier comique et tragique : autre caractéristique du théâtre shakespearien. La pièce propose ainsi un travail vivant et original autour de Macbeth. Pari réussi.

 

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