Par Joanna Pötz
Une critique du spectacle :
RéCréation / d’après l’œuvre de Robert Walser / par In Pulverem Reverteris / mise en scène Danielle Bré / Théâtre La Grange de Dorigny / du 6 au 7 février 2014
RéCréation, joué à la Grange de Dorigny jeudi 6 et vendredi 7 février, mis en scène par Danielle Bré à partir de l’œuvre du Suisse Robert Walser, propose une réflexion légère sur le chaos de l’adolescence, perçue comme une période de crise et de contradictions.
Sur scène, c’est le chaos ! La salle de classe rangée – chaises sur les tables, tables bien alignées –, laisse place au désordre aussitôt que les six adolescents en crise arrivent et se l’approprient. Les chaises sont d’abord descendues, puis poussées dans un coin, avant d’être jetées et empilées en vrac les unes sur les autres ; les tables sont poussées, mises de côtés, et retournées pour mieux réorganiser la scène en arène, vrai champ de bataille. Au fil des sonneries qui retentissent pour marquer autant d’heures de cours qui passent, au fur et à mesure des conversations, jeux, et autres disputes entre les ados, le désordre s’accroît.
Le seul coin ordonné du plateau, c’est celui où trône une table carrée, éclairée par une lampe, devant laquelle une chaise, sagement rangée, reçoit les ados qui y lisent à tour de rôle la lettre adressée à la prof préférée, l’histoire d’une cigogne et d’un porc-épic, un poème marquant, ou d’autres textes de Walser. Ces moments de lecture, de récitations ou encore de réflexions, sont autant de mementos et de bilans sur l’adolescence, qui viennent mettre de l’ordre dans la période de crise qu’elle constitue.
L’adolescence est justement une période de la vie qui traverse toute l’œuvre de Robert Walser, c’est pour ainsi dire son thème de prédilection. Son écriture met en avant les contradictions et dilemmes auxquels les jeunes doivent faire face. C’est bien là d’ailleurs que Danielle Bré fait la différence entre ados et adultes: les premiers vivent à proprement parler de leur contradictions alors que les adultes les aplanissent, les écartent ou les ignorent. Walser, né en 1878 et mort en 1956, s’est avant tout fait connaître par l’écriture de chroniques, feuilletons et ensuite de recueils, d’abord en Suisse puis en Allemagne, mais il a également écrit pour le théâtre (il aurait souhaité devenir acteur) ; son œuvre, parce que disparate mais riche, se prête bien à un réassemblage et à un montage. Souhaitant s’adresser à des jeunes en mettant en scène des thématiques et des réflexions de jeunes, Danielle Bré s’est naturellement tournée vers l’œuvre de Walser, « écrivain coup de cœur » , pour s’en inspirer et utiliser librement son écriture : c’est le projet de RéCréation.
Le résultat proposé aux spectateurs est une pièce de théâtre-montage non pas centrée autour d’une action bien structurée, mais plutôt autour de six personnages, des adolescents stéréotypés et représentatifs – l’élève modèle, le « rigolo » de la classe, etc. – qui réfléchissent et discutent de thèmes existentiels et préoccupants comme la mort, l’amour, le milieu social ou encore les relations aux adultes. Malgré la justesse de nombre de réfléxions qui font mouche – comme l’idée d’être dans l’attente et de « tendre l’oreille vers cette vie » –, la pièce peine à dépasser les préjugés et clichés de la crise d’adolescence et peine également à aborder la question sous un angle original et nouveau. C’est dommage, car les acteurs parviennent à ne jamais tomber dans l’exagération et, sans être complètement ridicules, ils arrivent à faire rire.
On retiendra donc de cette création une pièce légère avec une bonne distribution, sans grande originalité, qui thématise avec humour l’adolescence.