Chantons quand même !

Chantons quand même !

de Frank Arnaudon et Claudine Berthet / Théâtre Les Osses à Fribourg / du 13 au 31 décembre 2013 / Critiques par Jonas Guyot et Suzanne Balharry.


13 décembre 2013

La guerre oui, mais en chanson !

© Ludovic Manzoni

Après le spectacle Je vous préviens, je ne vais pas chanter…, la compagnie Le Pavillon des Singes revient avec un nouveau projet musico-théâtral portant cette fois-ci sur l’Occupation de Paris durant la Deuxième Guerre mondiale. Le répertoire musical aborde la vie quotidienne des Parisiens de la mobilisation jusqu’à la Libération avec une incroyable légèreté.

La mise en scène de Frank Arnaudon est simple mais efficace. Une vieille radio posée dans un coin de la scène diffuse tour à tour, dans un grésillement savoureux, des extraits de discours politiques, des informations codées parvenant de Radio Londres ou encore les sirènes annonçant les bombardements. Ces quelques éléments sonores permettent de contextualiser les différentes chansons du spectacle et de recréer l’atmosphère de la Deuxième Guerre mondiale.

De ces chansons, on retiendra surtout une indéfectible volonté de vivre et de s’amuser malgré la violence de la guerre. Elles constituent une trace de la vie quotidienne et des aspirations des Parisiens durant cette époque. « Paris sera toujours Paris », chantait Maurice Chevalier. Malgré les couvre-feux, les bombardements et les restrictions alimentaires, la vie quotidienne se poursuit et le goût pour la fête subsiste. Les salles de spectacle où ces chansons sont interprétées ne désemplissent pas et les artistes se produisent devant un parterre composé à la fois de militaires allemands et du peuple parisien dans une certaine atmosphère d’insouciance. Ce climat de fête et de désinvolture est parfaitement rendu par le jeu des trois comédiens. La formation théâtrale de Frank Arnaudon, Claudine Berthet et Frank Michaux apporte une dimension supplémentaire à ces chansons qui deviennent de véritables saynètes. Ainsi la chanson Pour me rendre à mon bureau donne lieu à une série de mimes clownesques qui illustrent les changements dans les moyens de transport qu’utilise un bourgeois au fur et à mesure que s’amenuise sa fortune avec l’avancée de la guerre. Ces gestes comiques concordent parfaitement avec l’esprit de ces textes qui transforment des réalités dramatiques en des situations cocasses.

Si la plupart des chansons choisies pour ce spectacle donnent une image plutôt légère de ce conflit mondial, Frank Arnaudon n’oublie cependant pas l’engagement plus politique de certains interprètes de cette époque. Ainsi, Pierre Dac, avec ses chansons La complainte des nazis et Adolf, Adolf, prend plaisir à ridiculiser Adolphe Hitler et ses alliés. La liberté de ton de Pierre Dac à l’égard du régime nazi s’explique par son exil en Angleterre depuis lequel, grâce à Radio Londres, il diffusait ses satires. On appréciera également la magnifique réponse du même Pierre Dac, interprétée par Frank Arnaudon, à l’égard de l’attaque antisémite de Philippe Henriot, elle-même diffusée dans le spectacle par l’entremise de la vieille radio.

En présentant l’occupation de Paris sous un angle « joyeux », le spectacle Chantons quand même ! a l’audace d’offrir une ode à la vie au moment où celle-ci a été la plus menacée.

13 décembre 2013


13 décembre 2013

Raconte-moi une chanson

© Ludovic Manzoni

Chantons quand même !, second spectacle de la Compagnie Le Pavillon des Singes, propose un voyage à travers le Paris occupé de la Deuxième Guerre mondiale… et une bouffée de bonne humeur en chansons.

Les premières scènes du spectacle se situent en 1939, au moment de l’annonce de la mobilisation générale. Les trois acteurs entonnent joyeusement une chanson de Maurice Chevalier intitulée Ça fait d’excellent Français : « Le sergent était boulanger pâtissier, le caporal était dans l’ignorance, et l’deuxième classe était rentier ! Et tout ça, ça fait d’excellents français, d’excellents soldats qui marchent au pas ». Le ton est donné. Il sera question de la guerre et de l’Occupation avec beaucoup d’émotion mais aussi d’humour.

Chantons quand même ! met en scène des chansons françaises écrites pendant la Deuxième Guerre mondiale. Le spectacle évoque le quotidien sous l’Occupation à Paris, avec les restrictions, le marché noir, et les aspirations des hommes et des femmes. Y apparaissent aussi bien des habitants dans leur vie de tous les jours, interrompue par la radio qui diffuse en juin 1940 l’annonce de la capitulation du Maréchal Pétain, que des artistes comme Léo Marjane, chantant dans des salles de spectacle où se mêlent Parisiens et membres de la Wehrmacht.

Chaque chanson fait naître une scène, avec un décor et des costumes qui lui sont propres, et si une réplique introduit ou ponctue parfois certains titres, le spectacle ne contient finalement que très peu de texte parlé. Cette structure, que la Compagnie Le Pavillon des Singes proposait déjà en 2011 dans son premier spectacle autour des chansons françaises de la Troisième République Je vous préviens, je ne vais pas chanter, surprend tout d’abord. Les chansons ont cependant un grand pouvoir d’évocation, qui donne vie au quotidien des soldats, des femmes restées à Paris, et des Résistants.

Passionné par la vieille chanson française, Le Pavillon des Singes, dont le nom est une référence à la maison dans laquelle a grandit Molière, s’interroge également sur le statut de ce genre musical pendant l’Occupation. Si elles permettent au pays occupé de revendiquer sa culture et donnent du réconfort, comme en témoigne la fréquentation assidue des salles de spectacle à cette période, les chansons sont aussi critiquées par ceux qui estiment qu’elles endorment le peuple et le détournent de la Résistance. La compagnie prend le parti de montrer la force des deux points de vue avec le titre évocateur Chantons quand même !

Le metteur en scène, Frank Arnaudon, joue et chante également, et on retiendra sa belle performance d’une rengaine de Charles Trenet intitulée Un rien me fait chanter (1941). Habitué des scènes romandes, il est issu de la première volée de la Manufacture et travaille régulièrement avec le Collectif Division de Julien Mages. Les arrangements musicaux sont signés Sylviane Huguenin-Galeazzi, cheffe de chant et pianiste, qui collabore depuis vingt ans avec le Théâtre des Osses.

Les chansons sont aussi interprétées par deux autres acteurs, Claudine Berthet, qui joue  elle aussi régulièrement dans les théâtres romands, et Frank Michaux, qui est également passé par la Manufacture et travaille avec le Collectif Division. Sa voix et son jeu plein de vie donnent un humour mélodieux à plusieurs des titres du spectacle, en particulier Elle a un stock de Gorgius (1940). On ressortira de ce spectacle pour petits et grands d’excellente humeur, avec des chansons plein la tête. A découvrir au Théâtre des Osses à Fribourg jusqu’à la fin de l’année.

13 décembre 2013