Une critique du spectacle :
Laverie Paradis / de Claude-Inga Barbey / mise en scène de Séverine Bujard / Théâtre des Osses à Fribourg / du 8 novembre au 1er décembre 2013
Saint suaire, eau de Jouvence, laisse d’un petit chien prénommé Jésus sont les accessoires qui permettent à Claude-Inga Barbey d’aborder sur le mode comique un sujet important et grave, celui de la foi dans notre société. C’est comme auteur et comme comédienne qu’elle présente son nouveau spectacle Laverie Paradis, qui réussit à faire naître de francs sourires sur le visage des spectateurs.
Tailleur rose bonbon, taille 44 trop serrée, souliers à talons fluorescents : voilà que Bernadette, femme de 50 ans qui vit dans l’attente que son Gilbert soit entièrement à elle, se retrouve dans une laverie. L’endroit parfait pour rencontrer d’autres femmes, qui attendent, comme elle, que leur cycle de lavage se termine. C’est là que Dieu enverra un de ses employés, un ange, pour convertir la pauvre femme durant sa peine d’amour. Un chiffon traîne, Bernadette s’en empare. Et voilà que l’ange doit le récupérer, consigne de son patron qui lui fait remarquer que c’était le « voile de Véronique ». Et, tâche complémentaire, l’ange a aussi pour mission de … convertir Bernadette.
Claude-Inga Barbey, humoriste, comédienne et écrivaine genevoise, n’hésite pas à jouer avec les questionnements intimes que peuvent avoir les spectateurs. Diffusée sur les ondes de la radio Suisse puis adaptée au théâtre en 2006, la pièce Betty présentait une psychiatre névrosée écoutant une patiente de cinquante ans parler d’internet et de superstitions, tandis qu’une équivoque s’installait au terme de laquelle on ne savait plus qui finissait par soigner qui. Pour Laverie Paradis, c’est de la foi dont il est question. Lorsque l’ange discute avec Dieu, ce dernier répond à ses propos par de violents coups de tonnerre. Et l’ange de plier. Barbey joue avec les métaphores et les paraboles pour expliquer qu’on peut toujours se relever de nos misères, et qu’il en existe d’autres, de pires, ailleurs que chez soi. Dans la salle d’attente d’un hôpital, après la laverie, les arguments sur la croyance religieuse dessinent un amusant débat. L’espoir y est incarné par une plante banale, qui a souffert de trahison, de rejet et d’abandon, mais qui conserve ses superbes pétales roses. À l’émission de radio « La ligne de coeur », une femme se décrit comme heureuse, malgré sa ventripotente physionomie, son manque d’homme à la maison et le laboratoire dans lequel elle vit, avec ses animaux de compagnie : tout permet de comprendre les messages que l’ange cherche à transmettre.
Le « Job » d’un ange
Le point est fait ici sur ce que la génération actuelle pense de la croyance religieuse : les gens d’aujourd’hui parlent plutôt de spiritualité, concept qui ne ramène pas directement à Dieu. Sans vouloir nous obliger à y croire, Barbey nous interroge sur notre foi elle-même. Croire en quelque chose n’est-il pas mieux que de ne croire en rien ? Lorsque le ciel se couvre et que nous devons sortir, n’est-il pas mieux de prendre un parapluie pour se couvrir lorsque l’averse aura éclaté ? Se protéger ne coûte rien. Dans la pièce, l’ange met en place le plan « Job » : il s’agit d’amener quelqu’un tout en bas pour lui faire comprendre que Dieu est là pour l’aider et le soutenir. Et c’est à ce moment précis qu’il pourra ouvrir les yeux et véritablement voir l’espoir.
Une période de plaisant purgatoire propre à l’examen de conscience, dans un lieu où « les machines tournent comme des gros animaux fatigués », c’est ce que nous offrent les deux comédiennes de Laverie Paradis. Des réflexions sont lancées, des réponses sont proposées, mais aucune n’est imposée. La pièce sera jouée jusqu’au 1er décembre : soyez curieux, allez vous interroger sur votre croyance intérieure.