Les armes en 3D, une histoire moderne

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Armes imprimées dans le cadre de l’École des sciences criminelles de l’UNIL. Nicole Chuard © UNIL

Les premiers tirs réussis avec des pistolets datent de 2013. Depuis, l’arsenal n’a cessé d’augmenter. Et les plans sont distribués largement sur Internet.

L’histoire de cette nouvelle génération de pistolets 3D s’est d’abord écrite aux États-Unis, comme souvent, quand il est question d’armes à feu. «Tout commence en 2012, quand un certain Cody Wilson lance un projet visant à fabriquer des armes avec une imprimante 3D», rappelle Olivier Delémont, qui a cosigné le chapitre consacré aux armes en 3D dans le livre Traces d’armes à feu.

Cody Wilson a des convictions libertariennes. Il est opposé au contrôle des armes tel qu’il est pratiqué aux États-Unis, pourtant moins stricts que les nations européennes en la matière. Dès 2013, il partage sur Internet les premiers plans d’une arme à feu imprimable en 3D. Ce modèle est baptisé Liberator en référence à un revolver fabriqué aux États-Unis dans les années 40. «Le premier essai médiatisé du Liberator est un succès. Ce tir initial a montré qu’il était possible de fabriquer, d’assembler et d’utiliser une arme à feu construite en polymères à partir de plans mis à disposition sur le web», raconte l’expert de l’UNIL.

Avec un clou et un élastique!

Si la fiabilité de ces premières armes 3D reste «très incertaine au début, l’ampleur du phénomène et l’intérêt que suscitent cette production sont rapidement identifiés comme une menace». À partir de là, «la course à l’évolution va suivre plusieurs chemins, de manière un peu désordonnée, au gré des progrès technologiques et des initiatives de passionnés», note Olivier Delémont. Parmi les évolutions notables, il y a le Songbird qui apparaît dès 2015. Cette arme a été imaginée par un étudiant en génie mécanique, et elle est entièrement imprimée avec des polymères. Elle a pour particularité d’utiliser un simple clou comme percuteur, et de l’actionner avec des élastiques de bureau. Ce système très rudimentaire en apparence a quand même permis d’effectuer des tirs avec une munition de type .357 Magnum !

L’apparition des hybrides

C’est ingénieux, mais c’est aussi vulnérable. «Les polymères n’ayant pas la même résistance que le métal, ces armes en 3D restent peu fiables, et difficiles à utiliser de manière répétée», précise le spécialiste de l’UNIL. Pour pallier cette faiblesse, on voit apparaître une nouvelle génération d’armes qui mélangent des éléments métalliques avec les pièces imprimées en 3D.

La première de ces armes hybrides apparaît en 2014. Dans les exemples les plus basiques, les bricoleurs qui travaillent sur ces armes artisanales utilisent des ressorts et des tuyaux qui sont en vente libre dans les quincailleries, et qui n’ont pas été fabriqués pour des armes.

Bientôt des munitions en 3D?

Dans d’autres cas, le mode d’emploi prévoit d’utiliser un mélange de pièces en 3D et des pièces en métal qui sont prévues pour de véritables armes à feu, comme des pistolets Glock ou des fusils d’assaut, mais dont la vente n’est pas réglementée aux États-Unis. Il s’agit alors d’imprimer les pièces qui sont interdites à la vente, ou qui comportent des numéros de séries qui permettent de les identifier. C’est ce qui leur vaudra le surnom de Ghost Guns, les armes fantômes.

La prochaine étape, dans cette cybercourse à l’armement, c’est l’élaboration de munitions qui utilisent aussi la technologie 3D. Pour l’instant, celui ou celle qui veut utiliser ces armes hi-tech doit encore mettre la main sur des munitions classiques. Mais il y a déjà des essais pour résoudre ce problème. Ce n’est probablement qu’une question de temps. À l’évidence, «ces procédés d’impression en 3D, comme toutes les technologies de rupture, vont avoir un impact important sur le marché des armes», conclut Olivier Delémont.

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Traces d’armes à feu. Expertise des armes et des éléments de munitions dans l’investigation criminelle. Dir. Alain Gallusser, Damien Rhumorbarbe, Denis Werner. EPFL Press (2022), 640 p.

Article principal: Le grand boom des armes fantômes

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