La construction du beau

David Picard
Au restaurant La Ferme-Asile, Centre artistique et culturel à Sion.
© Sedrik Nemeth

Nous sommes à La Ferme-Asile, restaurant à Sion, car David Picard fait partie de l’équipe de l’UNIL basée en Valais. Le lieu est bien choisi pour parler anthropologie et œno-tourisme.

Comme son nom ne l’indique pas, David Picard est Allemand. Né à Francfort en 1972. Comme beaucoup de ses compatriotes, il a choisi le nomadisme dans sa jeunesse, d’abord à Montpellier pour un diplôme de Commerce international qui le mènera en Afrique, où, lors d’un stage en Tanzanie pour une entreprise pharmaceutique, il découvre la médecine traditionnelle et la magie, puis à La Réunion, où il décroche une licence en Sciences économiques.

«J’ai appris tous ces modèles mathématiques complexes mais je me suis vite lassé d’une discipline qui réduit l’homme à un être rationnel, une vision trop pauvre à laquelle j’ai préféré celle de l’anthropologie», raconte-t-il. Lui qui avait apprécié la puissance de l’île de La Réunion, du créole avec ses «métaphores osées, viriles et audacieuses», s’engage alors dans un doctorat sur la problématique du beau. Comment on passe de la valeur travail, du rendement économique dans les jardins de canne à sucre à la valeur esthétique, celle qui fera chavirer les cœurs touristiques ?

Il se posera le même genre de question au sujet du corail avec une équipe de l’Institut de recherche pour le développement travaillant à Madagascar, avant de décrocher un poste à Sheffield, dans un centre d’étude sur le tourisme et le changement culturel, qu’il contribue à développer au point d’en faire une plateforme internationale enviée et bientôt happée par Leeds. «Pour les locaux, le corail n’est ni beau ni laid, même si la mort des coraux peut aussi leur faire peur. Ils parleront d’un mauvais sort, diront qu’il faut rééquilibrer la situation, trouver la personne ou l’esprit par qui le mal est arrivé, et dans ce registre magique, les étrangers jouent un rôle car ils sont perçus comme puissants. Les écologistes doivent composer avec cet environnement et non le mépriser s’ils veulent parvenir à leur but qui est de protéger la reproduction des coraux et des poissons», explique David Picard. Qui précise: «L’émerveillement n’est pas donné par le corps mais par des cadres culturels et je m’intéresse au rôle des scientifiques dans cette construction, à la place des affects à la base de la poursuite d’un projet de connaissance.»

Après Leeds, il décroche un projet de recherche sur le tourisme dans le «Global South» au Portugal, où il en profite pour fonder une famille et passer une maîtrise d’œnologie. Son épouse biologiste et œnologue collabore dans certains de ses projets de recherche sur la valorisation du monde viticole en Valais et ailleurs. Car David Picard s’est installé à Sion en obtenant à l’UNIL un poste de professeur en anthropologie du tourisme, rattaché à la Faculté des géosciences et de l’environnement. Le couple a deux fillettes.

Ses travaux se poursuivent au sein d’un programme polaire international à dimension scientifique et politique, où il questionne l’intérêt touristique et scientifique pour l’Antarctique. Il étudie par ailleurs divers modèles de relations entre le vin et le tourisme dans plusieurs pays (la France, l’Autriche, l’Afrique du Sud, la Californie ou encore la Chine) et développe un projet appliqué au sujet de l’œno-tourisme en Valais, un canton qui souhaite collaborer dans ce domaine avec l’UNIL.

Le professeur Picard a la responsabilité du Master en études du tourisme. Il prépare une école d’été sur l’œno-tourisme sur le site de Sion destinée à toute personne voulant en savoir plus sur la relation entre vin, terroir et tourisme.

Un goût de l’enfance
Frankfurter Schlachtplatte with black pudding, liver sausages, sauerkraut and mashed potatoes.

Une ville de goût
Lisbonne.

Avec qui partager un repas ?
BBQ avec ma femme, mes filles et les copains dans le jardin.

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