Au secours, une réunion!

«Ne vous trouvez jamais dans la même pièce qu’une décision.» Cet extrait de la bande dessinée Dilbert, une série d’un cynisme rafraîchissant consacrée à la vie de bureau, résume l’état d’esprit qui règne dans les séances. L’auteur, Scott Adams, révèle même dans un strip que ces dernières sont devenues des formes de vie autonomes, qui, à la manière d’Alien, se reproduisent grâce à leurs hôtes humains!

Face à l’absurde d’un interminable meeting sans but, l’employé n’est toutefois pas sans défense. L’une des tactiques consiste à dessiner, sur des carnets, des îles aux trésors imaginaires à la manière de Jules Verne. Une autre option? Tracer assez de petits carrés pour dégoûter un adolescent scotché à Minecraft. Cette activité donne l’impression que l’on prend des notes tout en faisant passer le temps. Pour les gens modernes, les jeux sur smartphone représentent une échappatoire bien commode aux mortelles présentations Power Point. Dans le registre radical, la suppression des chaises dans les salles raccourcit efficacement les rencontres, mais privilégie un peu trop les sportifs.

L’idée que les réunions sont des fléaux coûteux, à éradiquer d’urgence, est bien ancrée. Pourtant, une discussion avec la professeure Stéphanie Missonier, directrice du Département des systèmes d’information à la Faculté des hautes études commerciales, fissure cette conviction. En se basant sur la recherche, notamment en psycholinguistique, cette spécialiste de la gestion de projet a mis au point, avec des collègues, un outil collaboratif visuel (lire l’article).

Cette Team Alignment Map (c’est son petit nom) est utile à la fois pour lancer un projet et pour assurer son suivi. Elle met au jour, grâce à des post-it que remplissent les participants pendant les séances, les petites incompréhensions et les malentendus qui finissent par former une avalanche de mauvaises surprises. Cet outil nous fait admettre au passage que la capacité de coordination n’est pas un talent inné. Plus subtilement, le simple fait de laisser – ou non – les employés afficher les problèmes et les risques au mur est révélateur de la culture qui règne dans l’organisation.

L’un des intérêts de la Team Alignment Map vient de sa genèse. Cet outil a été testé dans des entreprises, des ONG, des administrations. Les retours récoltés ont permis de l’améliorer petit à petit. C’est un bon exemple de ce que la recherche peut apporter quand elle se nourrit du terrain. La carte se classe dans la catégorie des visual inquiry tools, qui nous aident à empoigner des problèmes complexes, mal définis, dans le contexte mouvant d’aujourd’hui. Le Business Model Canvas concocté par Alex Oster­walder et Yves Pigneur (professeur à la Faculté des HEC et Prix de l’UNIL 2019) appartient à cette famille.

Ludique (dans une certaine mesure), l’outil proposé par Stéphanie Missonier constitue un début de gamification du quotidien des collaborateurs. Même si cette carte ne peut pas faire des miracles, elle dissipe l’inefficacité des réunions. C’est déjà beaucoup.

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