Dave Lüthi, De l’Art déco au « style Zorro ». René Deléchat, un éclectique moderne

Grâce au fonds d’archives déposé par sa famille aux Archives de Montreux, la carrière de l’architecte René Deléchat peut être restituée et analysée. Cet architecte méconnu joue un rôle majeur sur la Riviera vaudoise durant près d’un demi-siècle, d’abord dans l’atelier de Charles Kalbfuss puis de manière indépendante. Formé à Paris, il manie en véritable éclectique des formes allant du néoclassicisme à la modernité en passant par l’Art déco. Sa production de villas montre un vocabulaire inspiré de l’Espagne et des contrées du sud, dénotant le goût de sa clientèle pour une architecture à la fois régionaliste et exotique. Au travers de la carrière de Déléchat, c’est un pan délaissé de l’architecture vaudoise du XXe siècle qui est révélé.

René Deléchat, villa du Clos de Collonges à Territet, 1937 (photo Dave Lüthi, 2021)

Kerralie Oeuvray, «Jules Clerc et la percée de l’architecture raisonnée. La recherche implacable de la ‘bonne combinaison’»

Architecte français doué de la Belle Époque, Jules Clerc (1844-1909), né à Mâcon et formé à l’École des Beaux-Arts de Lyon, s’installe dans la région montreusienne aux environs de 1879. Auteur d’un nombre restreint d’édifices, il est cependant salué par ses contemporains pour sa maîtrise de tous les aspects de la construction, son ouverture vers des matériaux et des styles nouveaux. La constitution d’un récit biographique se heurte toutefois à l’absence de sources concernant ses premières expériences professionnelles, après son départ de Lyon en 1871. Cependant Clerc, tout à la fois rédacteur et polémiste accompli, livre lui-même de nombreux indices à travers sa correspondance et l’élaboration de ses projets architecturaux. Se révèle alors un engagement clair vers une architecture envisagée comme un système de pensée raisonnée, de pratiques responsables et d’expression artistique. Les éléments-clés d’un récit biographique se mettent ainsi en place.

Le Kursaal de Montreux, vue face au lac, 1881 (AC Montreux, PP233-B-24, Fonds Silvio Nini)

Helen BIERI THOMSON, « D’un inventaire à l’autre. Damas, indiennes et tapisseries au château de Prangins »

A la lumière de deux inventaires de biens, établis à quarante ans d’intervalle, cet article se propose d’étudier les tentures murales posées dans les salles de réception du château de Prangins au XVIIIe siècle et de voir comment le choix de celles-ci éclaire les stratégies de représentation des propriétaires. En effet, tout comme un mobilier raffiné, des portraits de famille ou des objets de valeur tels que lustres et miroirs, les étoffes dont on revêt les murs sont des signes de distinction.

Dave LÜTHI, « Portrait mobilier d’une famille patricienne. Le cadre de vie des Gingins au XVIIIe siècle : entre opulence contrôlée et obligation sociale »

Situé à proximité du Milieu du Monde, le château de La Sarraz est devenu pour un temps un centre de recherches approfondie sur le mobilier et les œuvres servant de décor à la vie quotidienne d’une famille patricienne sous l’Ancien Régime : les Gingins.
Bien que sporadiquement habité par la famille durant le XVIIIe siècle, le château abrite aujourd’hui dans ses salles une très importante collection d’objets mobiliers de cette époque (meubles, peintures, horloges, porcelaine, orfèvrerie, objets d’art, etc.) qui témoignent du train de vie aisé de certains de ses membres. Si ces objets ne se trouvaient pas à l’origine au château – ils y ont été rassemblés au XIXe siècle par les derniers descendants des Gingins –, la reconversion du bâtiment en « Musée romand » dès 1912 a permis de les mettre en scène dans des period rooms caractéristiques du temps, de manière à donner l’illusion qu’ils sont toujours à leur emplacement initial.

 

Béatrice LOVIS, « Le théâtre de Martheray par Alexandre Perregaux (1803-1805), ou La laborieuse entreprise »

De nombreux Lausannois se souviennent encore de l’ancienne chapelle de l’Eglise libre, sise à la rue Langallerie n° 5 à quelques pas du pont Bessières, avant qu’elle ne soit démolie en 1969 pour faire place à un centre commercial. Peu d’entre eux savent cependant que cet édifice fut à l’origine un théâtre, le premier théâtre en pierre construit dans le chef-lieu du Canton de Vaud, inauguré le 15 novembre 1804. L’histoire de cette salle de spectacle étant largement méconnue, notre étude souhaite retracer les circonstances de sa construction, ainsi que les principales tractations et transformations dont elle a fait l’objet, avant de fermer définitivement ses portes en 1860.

« « Qu’est-ce que l’Art Nouveau? ». Des apprentis vaudois à l’Exposition universelle de 1900 à Paris », sources présentées par Dave Lüthi.

Deux apprentis menuisier et tapissier vont visiter l’Exposition universelle de Paris en 1900, grâce à une subvention de l’Etat de Vaud. Dans de petits cahiers manuscrits, ils livrent une vision étonnamment clairvoyante de l’art de leur l’époque. Une source inédite, publiée et présentée par Dave Lüthi.

Claire HUGUENIN, « Un musée idéal. Un projet pour le château de Chillon »

En 1891 Henry de Geymüller livre sa conception du type de musée qu’il estime possible d’aménager dans le château de Chillon, après les travaux de restauration. Sept ans plus tard, il sera appelé à rectifier son propos et à resserrer davantage le cadre. Cette installation est subordonnée à l’édifice qui l’accueille et doit contribuer, avec discrétion, à sa mise en valeur, le château constituant la pièce maîtresse du futur musée. Le type de présentation muséographique prend pour modèle les salles d’époque mises en place dans trois grandes institutions suisses contemporaines. La première et unique salle de musée à Chillon ne s’ouvrira qu’en 1926. Les collections composites, accumulées au gré des opportunités, meublent aujourd’hui l’espace, sans répondre vraiment à l’idéal rêvé par Geymüller.