Marianne Schmid Mast

Professeure ordinaire (HEC), présidente de la commission HEC de l’égalité

 « Lors de mon séjour postdoc aux Etats-Unis, j’ai vu qu’on pouvait être une femme professeure, avec des enfants, un mari, tout en restant une personne agréable et saine. J’ai vu que c’était possible, alors j’ai décidé que c’était aussi possible pour moi ».

  1. Que faites-vous actuellement à l’UNIL?

Je suis professeure en comportement organisationnel à la Faculté des HEC. Je dirige un laboratoire de réalité virtuelle avec un groupe de recherche composé de doctorant·e·s et postdoctorant·e·s. J’enseigne au niveau Bachelor et Master, et m’engage dans l’enseignement de formation continue de la faculté. Je suis aussi présidente de la commission HEC de l’égalité et présidente ad interim de la commission égalité de l’UNIL. Je suis également éditrice associée de la revue Journal of Nonverbal Behavior et membre du comité de rédaction de la revue Leadership Quarterly.

Mes recherches s’intéressent aux relations hiérarchiques, à la communication (verbale et non verbale) et aux interactions sociales. Comment les premières impressions se forment et affectent les évaluations interpersonnelles. Comment la communication des médecins influence l’état de santé des patient·e·s. J’utilise la technologie immersive de la réalité virtuelle et le « social sensing » – une technologie de détection sociale – pour investiguer les comportements interpersonnels.

  1. En quelques mots, quel est votre parcours ? Et en quoi le fait d’être une femme l’a-t-il influencé?

Après un doctorat en psychologie à l’Université de Zurich, j’ai poursuivi mes recherches à la Northeastern University, à Boston. J’ai ensuite été professeure assistante en psychologie sociale à l’Université de Fribourg, puis professeure ordinaire au département de psychologie du travail et des organisations de l’Université de Neuchâtel.

Je suis mariée et j’ai deux enfants (de 8 et 16 ans). Mon mari est aussi professeur ordinaire, dans une autre université. La famille doit toujours être prise en considération dans la réflexion sur les carrières académiques des femmes – et il y a une grande diversité de constellations possibles et imaginables, qui posent chacune des défis spécifiques aux femmes (comme aux hommes). Dans mon cas, l’organisation familiale et l’équilibre entre travail et famille sont un défi constant, mais aussi une source de satisfaction, d’inspiration et de fierté.

Le fait d’être une femme a eu une influence sur ma carrière surtout au début, quand j’ai terminé mon doctorat. A cette époque, je ne me voyais pas professeure, je n’avais pas de modèle, le monde académique me semblait réservé aux hommes. Lors de mon séjour postdoc aux Etats-Unis, j’ai vu qu’on pouvait être une femme professeure, avec des enfants, un mari, tout en restant une personne agréable et saine. J’ai vu que c’était possible, alors j’ai décidé que c’était aussi possible pour moi.

C’est après mon retour que ma carrière a vraiment démarré et à partir de ce moment, le fait d’être une femme n’a plus vraiment joué de rôle dans ma carrière. Basée sur cette expérience, ma contribution à la relève académique féminine aujourd’hui consiste avant tout à être un exemple qui encourage les femmes dans leur carrière, et à créer un environnement de travail pour mes doctorant·e·s et postdoctorant·e·s qui leur permette de concilier vies privée et académique.

  1. Quels sont selon vous les principaux enjeux actuels de l’égalité hommes-femmes, à l’université et dans la société?

L’environnement joue un rôle important. Au niveau de la société, j’appelle de mes vœux un congé parental flexible pour les partenaires, une structure d’accueil dans les écoles publiques qui permette aux deux parents de travailler et un changement d’attitude envers les femmes qui travaillent (et les hommes qui ne travaillent pas ou qui travaillent à temps partiel). Psychologue de formation, j’aimerais aussi que l’on arrive à dépasser les stéréotypes de genre.

Au niveau de l’université, il faut continuer le travail qui a déjà porté ses fruits : offrir des possibilités de carrières qui tiennent compte de la situation familiale, mais aussi sensibiliser la communauté universitaire et surtout les commissions de recrutement professoral aux stéréotypes de genre, pour éviter la discrimination. Il s’agit de porter une attention particulière aux dossiers de candidatures féminines et de valoriser des parcours atypiques.

Je trouve aussi important de sensibiliser les professeur·e·s aux petits pièges discriminatoires quotidiens et de créer un environnement bienveillant au sein des équipes de recherche, pour les hommes comme pour les femmes. Par exemple, en veillant à ne pas donner plus de tâches administratives à la femme de l’équipe, juste parce que le stéréotype nous y conduit de manière implicite. Pour la qualification académique, les tâches administratives ne comptent pas autant que les publications…

Comme le montre cet exemple, il vaut la peine de se demander s’il existe des habitudes de ce genre dans les équipes de recherche et commencer à y remédier le cas échéant. Il y a encore beaucoup à faire dans le domaine de l’égalité, sur le plan politique et social, mais aussi au quotidien : nous pouvons toutes et tous apporter une petite contribution qui va faire une différence, même si ce n’est que pour une personne.