En 2025, la Plateforme Paysage a eu le privilège de recevoir de Lorette Coen sa vaste bibliothèque portant sur le paysage et l’art des jardins, soit près de 430 ouvrages. Témoins de la grande curiosité et du cosmopolitisme de son ancienne propriétaire, ces livres portent principalement sur les jardins européens, historiques ou contemporains, avec des échappées sur le Brésil, l’Afrique du Nord et l’Orient. Ils ont été regroupés en 20 catégories:
- Dictionnaires sur l’art des jardins
- Théorie du jardin
- Histoire générale des jardins
- Jardins italiens, espagnols et portugais
- Jardins français
- Jardins anglais et allemands
- Jardins non-européens
- Jardins suisses / Lausanne Jardins
- Prix Schulthess (Patrimoine suisse)
- Prix et biennales
- Paysage urbain
- Paysage et territoire
- Land Art / art et jardin
- Littérature et jardin
- Biodiversité
- Jardins contemporains
- Concepteurs contemporains – architectes paysagistes (dont Gilles Clément et Roberto Burle Marx)
- Concepteurs contemporains suisses
- Actes de colloques
- Revues (dont les Carnets du paysage)
Consulter la liste détaillée des titres.
Les livres sont à la disposition des chercheurs et des étudiants, et consultables sur place sur rendez-vous (beatrice.lovis@unil.ch).
A la fois journaliste, auteure, critique d’art et commissaire d’exposition, Lorette Coen a cofondé la manifestation Lausanne Jardins et a assumé le commissariat des deux premières éditions, en 1997 (Jardins faisant) et en 2000 (Jardins la ville). Lausanne Jardins est un événement culturel associant architecture du paysage et réflexion sur la ville. Le temps d’un été, la manifestation propose une quarantaine de jardins éphémères disséminés sur le territoire lausannois, dont certains sont amenés à préfigurer les transformations urbanistiques et paysagères de la ville.
Bibliothèque de jardins
Lorette Coen
D’abord dire ma reconnaissance. Que les livres de ma bibliothèque de jardins soient accueillis avec plaisir par le Centre des Sciences historiques de la culture, à la Faculté des lettres de l’Université de Lausanne, me remplit de joie. Je les remets entre les meilleures mains.
Me plaît aussi l’idée que des lectrices et lecteurs inconnus se promèneront avec moi, sans le savoir. Et que, comme moi, ils emprunteront des chemins labyrinthiques pour trouver ce qu’ils ignoraient chercher.
Mais comment en suis-je venue aux jardins et à leurs livres? N’étant ni architecte paysagiste ni botaniste et encore moins écologue, rien ne m’y conduisait. En revanche, mes intérêts primordiaux et ma formation en Lettres, à Lausanne, m’y prédisposaient. La chance m’y a plongée.
Le Musée des arts décoratifs de la ville de Lausanne (l’ancêtre du MUDAC) m’a associée à une exposition en préparation sur l’art des jardins. Pendant plusieurs mois, je me suis promenée à travers les époques et les civilisations, dans le Sussex et le Kent, en Toscane et dans les Pays de la Loire, à Paris et dans l’Oberland bernois, et dans bien d’autres régions encore. De châteaux en fermes, de conservatoires botaniques en promenades publiques, de parcs classiques ou romantiques en aménagements hyper contemporains, j’ai étudié leurs histoires et leur présent, j’ai rencontré leurs jardiniers et, pour les réalisations récentes, j’ai interrogé leurs auteurs. Il en a résulté un livre, «Odeurs de jardins», paru en 1988.
Ce travail est devenu l’introduction à une recherche qui m’a occupée durant plusieurs décennies. Articles, publications, films s’en sont suivis. Échanges avec des paysagistes et des spécialistes aussi. La manifestation Lausanne Jardins, laboratoire du paysage urbain, a pris naturellement place dans ce parcours. Et c’est ainsi que ma bibliothèque s’est progressivement constituée, sans autre systématique que le besoin et le plaisir d’apprendre.
Mes débuts en jardins se sont déroulés sur un terrain fertile, dans l’élan de renouveau de la pensée paysagère dont l’École nationale supérieure de paysage de Versailles a été le creuset dans la seconde partie du XXe siècle. Beaucoup des livres des protagonistes de ce mouvement, les monographies qui leur sont consacrées, les ouvrages qui font écho aux débats et controverses du moment figurent évidemment dans les rayons de cette bibliothèque. Laquelle, constituée au fil des besoins et des découvertes, emporte dans toutes les directions.
Il me plaît d’en signaler quelques-unes, pêle-mêle. Le mystérieux Songe de Poliphile (1467), dont l’influence a imprégné l’art jardinier de la Renaissance; l’essai déjà ancien de Diethelm Fretz sur le célèbre naturaliste zurichois du XVIe siècle, Konrad Gessner als Gärtner; ce vieil ami érudit qu’est l’Oxford Companion to Gardens; le gros livre devenu rare de Hans-Rudolf Heyer sur les jardins historiques suisses; les monographies d’Udo Weilacher sur Ernst Cramer, Dieter Kienast, Günther Vogt, paysagistes alémaniques de premier plan des XXe et XXIe siècles. Et aussi, du même spécialiste, une étude sur l’œuvre de Peter Latz, l’un des plus merveilleux architectes du paysage de notre temps, lauréat du prestigieux prix Europa Nostra 2025, auquel on doit l’extraordinaire parc paysager sur le site industriel de Duisbourg-Nord.
A côté des livres de jardiniers-auteurs, tels que Gilles Clément ou Roberto Burle Marx, et des ouvrages consacrés à leurs œuvres, à côté des présentations de paysagistes contemporains d’importance significative, on trouvera des textes philosophiques, tels ceux d’Henry David Thoreau, Rosario Assunto, Augustin Berque, Alain Roger, entre autres. Ou encore les trois livres, particulièrement précieux à mes yeux, du sociologue bâlois Lucius Burckhardt, père subversif de la promenadologie, que j’ai eu le privilège de côtoyer et d’aimer.
On notera la présence de plusieurs in-folio présentant des jardins de différentes civilisations et aussi contemporains: Portugal, Marrakech, Val-de-Loire, monde, etc., réunis pour leur utilité principalement documentaire. Et au titre des curiosités, on tombera sur des livres dénichés en bouquinant; par exemple, un petit traité ancien sur l’art de la rocaille d’un membre de la famille d’Henry Correvon, le pionnier du jardin alpin. Ou cet autre, sur les Jardins de la Sociale, qui rappelle que le droit au jardin fut aussi un aspect de la cause du peuple!
Enfin, si l’on veut déceler dans cette bibliothèque un accent particulier, on remarquera une présence accentuée de livres consacrés au jardin en tant qu’écriture, expression, vision et projet de monde. C’est ainsi qu’à la croisée de tous les arts et connaissances, il n’en finit pas de m’éblouir.
Aujourd’hui, j’ai craqué: je me suis offerte un livre. Un ouvrage littéraire très érudit sur les jardins de Sicile. J’ai voulu me défaire d’une bibliothèque de jardins et voici qu’il m’en repousse une autre!
Août 2025.


