Appel à propositions | Australie et ‘Anglosphère’ : l’alignement géostratégique contemporain de Canberra

Appel à propositions : numéro de la revue Outre-Terre, 2022.

Les propositions d’articles (intitulé + problématique détaillée et argumentée) sont à faire parvenir pour fin décembre 2021 à Adrien Rodd : adrien.rodd@uvsq.fr. Une fois les propositions acceptées, les articles seront attendus pour début mars 2022, pour publication dans un numéro dédié de la revue Outre-Terre.

L’annonce en septembre 2021 de l’accord stratégique et militaire trilatéral AUKUS, permettant notamment à l’Australie d’accéder aux technologies américaines dont bénéficie déjà de longue date le Royaume-Uni en matière de sous-marins à propulsion nucléaire, peut être lu comme un choix de positionnement géostratégique majeur de Canberra pour les décennies à venir. Ceci dans une région Asie-Pacifique ou Indo-Pacifique sujette à des évolutions perçues comme inquiétantes.

L’Australie est liée aux États-Unis par un accord crucial de défense mutuelle depuis 1951, et depuis 1956 fait partie de l’alliance du Groupe des Cinq (ou ‘Five Eyes’) de partage de données des services de renseignement avec le Royaume-Uni, les États-Unis, le Canada et la Nouvelle-Zélande. À partir des années 1970, le délitement rapide de la très proche relation qu’entretenait l’Australie avec la ‘mère patrie’ britannique, délitement dû à l’entrée du Royaume-Uni dans la Communauté économique européenne mais aussi au désengagement militaire britannique de l’Asie-Pacifique, amène Canberra à penser son avenir en partie en termes d’intégration commerciale et diplomatique à l’Asie ou à la région Asie-Pacifique. Le virulent Paul Keating, Premier ministre travailliste de 1991 à 1996 après avoir été ministre des Finances, postule même la nécessité d’un éloignement stratégique australien vis-à-vis de ses partenaires traditionnels occidentaux et anglophones pour accroître sa crédibilité en Asie du Sud-Est.

Au début du 21e siècle, l’économie australienne bénéficie de relations commerciales fortement accrues avec la Chine, formalisées en 2015 par un accord bilatéral de libre- échange puis en 2020 par l’accord multilatéral de Partenariat régional économique global (RCEP). Dans le même temps, l’Australie s’inquiète progressivement de l’espionnage chinois et des conséquences des grands achats et investissements chinois dans les ressources naturelles de son territoire, ainsi que de l’activisme diplomatique et économique chinois auprès des États du Pacifique-Sud, ses voisins relevant aux yeux de Canberra de sa propre zone d’influence stratégique (‘our patch’, dixit Scott Morrison). Nombre de commentateurs s’interrogent alors sur la capacité de l’Australie à maintenir en équilibre ses relations difficilement compatibles de dépendance commerciale envers la Chine et de dépendance auprès des États-Unis en matière de sécurité.

Entre 2018 et 2021 se déploient plusieurs facettes d’une nette détérioration des relations sino-australiennes. Celle-ci amène l’Australie à choisir de renforcer ses propres capacités militaires, tout en consolidant ses relations stratégiques avec des États rivaux de la Chine (États-Unis, Inde et Japon au sein du Dialogue quadrilatéral pour la sécurité, ou Quad) et au moins provisoirement avec la France, décrite comme un partenaire stratégique majeur pour l’Australie dans la région Indo-Pacifique.

Ce numéro vise à explorer les modalités contemporaines et les perspectives d’avenir des relations qu’entretient l’Australie avec ses partenaires de l’« Anglosphère » (Canada, États- Unis, Nouvelle-Zélande, Royaume-Uni), dans le contexte plus large des positionnements géostratégiques australiens et de l’évolution des politiques étrangère et de défense développées par Canberra.

Nous accueillerons les propositions d’articles portant notamment (mais pas exclusivement) sur des thématiques parmi les suivantes :

•    une contextualisation historique des visées et priorités de la politique étrangère australienne, et de la vision du positionnement (stratégique, culturel…) de l’Australie dans sa région et dans le monde ;
•    une étude des notions d’« Asie Pacifique » et d’« Indo-Pacifique » telles que vues depuis l’Australie et par ses partenaires ;
•    l’évolution récente des relations australo-américaines, dont les réflexions australiennes sur les politiques étrangères respectives des présidences Obama, Trump puis Biden ;
•    l’évolution récente des relations australo-britanniques à l’heure du Brexit, du ‘Global Britain’, de l’accord provisoire de libre-échange entre les deux pays, et de promesse britannique de renouer les relations du Royaume-Uni avec les principaux États du Commonwealth ainsi que de déploiement naval multilatéral britannique en Asie du Sud-Est ;
•    une analyse de l’accord AUKUS, dont une analyse des intérêts respectifs qu’y portent les trois États concernés ;
•    les débats internes en Australie quant à l’AUKUS ;
•    un point précis sur l’état des forces militaires et navales australiennes et de leurs capacités ;
•    une analyse de l’importance actuelle de l’alliance du Groupe des Cinq (‘Five Eyes’) du point de vue australien ;
•    le concept d’« Anglosphère » : Est-il pertinent ? Dans quelle mesure l’héritage partagé de culture, de valeurs et de pratiques originaires des Îles britanniques, et de la mondialisation ayant à son centre le Royaume-Uni puis les États-Unis, est-il véritablement un ciment ou un ensemble de passerelles des relations entre l’Australie et ses partenaires américain, britannique, canadien et néo-zélandais ?
•    une analyse de l’intérêt renouvelé de l’Australie pour le partenariat stratégique Quad, et des modalités de la participation australienne à ce partenariat ;
•    les relations australo-néo-zélandaises dans le contexte géopolitique actuel de l’Asie- Pacifique, dont les divergences et convergences entre Canberra et Wellington en la matière (la Nouvelle-Zélande est-elle vraiment le maillon dissident des partenariats de l’Anglosphère, alors que la haute-commissaire de Nouvelle-Zélande à Canberra évoquait aujourd’hui 26 octobre la possibilité que son pays puisse participer à certains aspects restreints de l’AUKUS ?) ;
•    les relations australo-françaises contemporaines dans ce contexte, entre coopérations régionales à multiples facettes et la crise provoquée par la rupture australienne de son contrat commercial militaire avec la France ;
•    les relations australo-canadiennes : marge de l’Anglosphère ou partenariat significatif ?
•    les relations contemporaines de l’Australie avec l’un ou plusieurs des grands États asiatiques (Chine, Corée du Sud, Inde, Indonésie, Japon…) dans ce contexte ;
•    la position et les pressions des grandes entreprises australiennes (minières, agricoles…) dépendantes des exportations vers le marché chinois ;
•    l’enjeu de l’influence des grandes puissances sur les petits États insulaires du Pacifique-Sud dans ce contexte : modalités et degré d’efficacité de la coopération australo-américaine et néo-zélandaise pour freiner la progression de l’influence diplomatique chinoise dans les États aux frontières maritimes de l’Australie ;
•    la réticence australienne à agir en matière de réchauffement climatique : un point de divergence avec les gouvernements Biden et Johnson à la veille de la COP26 à Glasgow ?

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