Par Selina Follonier
Quel impact produisent les photographies d’écrivains et leur diffusion à grande échelle sur l’institution, le marché et les modes de réception de la littérature ? Quel usage fait-on des photographies d’écrivains et selon quelles finalités ? Ces interrogations constituent le fil rouge du récent ouvrage L’Écrivain vu par la photographie : formes, usages, enjeux (2017), publié sous la direction de David Martens, Jean-Pierre Montier et Anne Reverseau à la suite d’un colloque organisé en juin 2014 au Centre culturel international de Cerisy-la-Salle. Regroupant une vingtaine d’études rédigées par des chercheurs spécialisés dans les domaines de la littérature, de la sociologie et de l’histoire de l’art, le volume s’attache à sonder les relations entre littérature et photographie sous l’angle spécifique des iconographies d’écrivains.
Depuis l’invention de la photographie jusqu’aux formes de présence visuelle sur les réseaux sociaux à l’ère numérique, les portraits d’auteurs se sont prêtés à une multitude usages et ont été mobilisés dans une multitude de contextes, que ce soit au sein de la presse, de l’édition ou des institutions muséales. L’Écrivain vu par la photographie vise à rendre compte de la nature complexe de ces objets culturels dont la production implique le concours de plusieurs acteurs et qui se trouvent formatés par différentes logiques médiatiques et institutionnelles. Les contributions réunies dans cet ouvrage s’agencent autour de cinq axes correspondant à autant d’approches analytiques : la circulation d’images entre la sphère privée et l’espace public, l’articulation entre l’individuel et le collectif dans les galeries de portraits et les portraits de groupes, les jeux de présence et d’absence figuratives, la tension entre le travail d’écriture et l’impératif de visibilité médiatique, et finalement le rôle de la photographie dans la constitution d’un patrimoine littéraire. Une attention particulière est vouée à la question du rapport entre les images et l’espace de l’œuvre littéraire ainsi qu’à celle des types de figuration : loin de se réduire à des captures visuelles d’êtres humains, les iconographies d’écrivains sont en effet tributaires de scénographies codifiées et traversées de signifiants symboliques ; elles matérialisent une certaine idée de la littérature et tendent à être appréhendées comme des allégories de l’œuvre de l’auteur portraituré. Les écrivains quant à eux entretiennent des rapports souvent conflictuels avec leurs propres représentations, affichant des attitudes qui oscillent entre stratégies d’évitement et investissement conscient du médium photographique, mis au service de la construction d’une posture auctoriale.
Ce qui se dégage des travaux rassemblés par David Martens, Jean-Pierre Montier et Anne Reverseau, c’est avant tout le constat de l’influence décisive des photographies d’écrivains sur les manières contemporaines de penser la littérature, phénomène symptomatique d’une époque marquée par la médiatisation croissante de la vie littéraire et par la multiplication des points de rencontre entre différents champs de production culturelle. En ce sens, cette publication collective alimente les réflexions plus globales autour de la « redéfinition […] de la sphère du littéraire et de ses formes à l’ère médiatique » (p. 276).
Groupes de recherche et institutions
L’Écrivain vu par la photographie : formes, usages, enjeux, Presses universitaires de Rennes, 2017.
Groupe de recherche MDRN, Université catholique de Louvain
Centre d’études des langues et littératures anciennes et modernes (CELLAM), Université Rennes 2
Pôle d’attraction interuniversitaire Literature and Media Innovation (LMI)
PHLIT : Répertoire de la Photolittérature ancienne et contemporaine