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Les trois régimes en question ont des points communs et des différences qu’il est opportun de dégager. Tout d’abord, les trois régimes ont été instaurés d’une main de fer ; les coups d’état et la mobilisation militaire sont les premiers traits communs qui les réunit. Cependant, l’Espagne a été conquise par Franco après une guerre civile de 3 ans, contrairement aux deux autres pays, où le pouvoir a été pris plus facilement et rapidement. Par ailleurs, ils ont tous été qualifiés de régimes « autoritaires » mais pas forcément de régimes « fascistes » car ils ne se souciaient pas de la question « raciale », ou en tout cas ne la mettaient pas au premier plan de leur politique.
Un point commun important entre la dictature espagnole et portugaise est qu’elles aient été toutes deux traditionnelles et conservatrices dans leur nationalisme et qu’elles aient voulu conserver leurs possessions restantes d’outre-mer tandis qu’en Grèce, l’idéologie religieuse n’était pas un argument du régime et que la question des colonies ne s’y posait pas. Bien que ces régimes chutent presque au même moment, les dictatures espagnole et portugaise sont longues et quasiment contemporaines, alors que le régime des Colonels en Grèce est beaucoup plus court et émerge d’un autre contexte politique international.
La Confédération a eu une attitude officiellement neutre avec ces trois régimes mais en réalité, elle a « participé » à l’instauration et au maintien du franquisme avant de s’en éloigner pour finalement s’en rapprocher de nouveau. Ses relations sont restées cordiales avec le Portugal alors qu’en ce qui concerne la Grèce, la Suisse a pris position contre elle au Conseil de l’Europe en demandant le respect des Droits de l’Homme et des Libertés fondamentales. Les trois régimes étaient perçus comme des remparts au communisme et la Suisse, suivant les positions politiques occidentales, a préféré laisser libre cours à la politique de Salazar et de Franco plutôt que de risquer une fragmentation bolchévique en Europe de l’Ouest. Le contexte de guerre froide a donc été central au maintien de ces dictatures.
En ce qui concerne l’ouverture à la communauté internationale, l’entrée de la Grèce au Conseil de l’Europe fut suspendue pendant la dictature tandis que l’Espagne et le Portugal ont formulé leur candidature seulement après que ces régimes autoritaires aient été remplacés. Ainsi, malgré le fait que l’Occident ait toléré ces régimes et les crimes qui y ont été commis en raison de leurs propres intérêts, ces pays sont restés temporairement inaptes à l’adhésion à la Communauté Européenne car marginalisés et ne respectant pas les normes d’adhésion.
Un dernier point commun que nous évoquons ici est celui des immigrés de ces pays en Suisse. Durant la période traitée, l’immigration espagnole était déjà importante. La Suisse comptait moins de Portugais et de Grecs mais parmi eux, se trouvaient de nombreux opposants au régime, notamment à Genève. Les opposants qui résidaient en Suisse sont donc un autre point commun entre ces régimes et de nombreuses manifestations à leur encontre y ont eu lieu. Suivant les époques et les tendances politiques, les immigrés ont fait pression sur la Confédération et les états concernés ont parfois réclamés aux autorités suisses l’interdiction de certaines manifestations. L’enjeu délicat de la liberté d’expression sur le sol helvétique a donc été parfois mis à mal par ces dictatures. Les médias suisses, eux, ont souvent suivi leur inclination politique et nous verrons, à travers nos analyses, comment des journaux à tendance libérale ont pu souvent soutenir ou parfois condamner ces dictatures tout en devant s’adapter à la neutralité apparente de la Confédération et à un lectorat mixte composé en partie d’immigrés de ces pays.