Contexte historique
De la fin de la Seconde Guerre mondiale jusqu’à la fin du XXe siècle, la Suisse a connu plusieurs vagues d’immigration composées surtout de travailleurs étrangers mais aussi de réfugiés politiques et d’immigrants irréguliers. L’importance de ces vagues, en termes de nombre d’immigrés, place la Suisse au 9ème rang des pays d’immigration au plan international [1].
Une immigration de type économique s’est développée après 1945, en réponse à un besoin massif de main d’œuvre en Suisse corrélé à une économie en forte expansion. S’établit alors un recrutement systématique de travailleurs étrangers, venus surtout d’Italie dès 1948 (date de l’accord bilatéral entre la Suisse et l’Italie) puis, plus tard, d’Espagne, d’Allemagne, d’Autriche et de France.
Ce mouvement d’origine économique atteint son apogée en 1962, puis dès 1963 l’immigration redescend fortement, dans un contexte de mouvements nationalistes et xénophobes (Plafonnement, initiatives Schwarzenbach). La crise pétrolière de 1973 entraîne par la suite le départ de Suisse de quelque 200’000 personnes étrangères.
Une deuxième vague de nature économique apparait dès 1983, quoique quantitativement moins importante. Entrainée par la haute conjoncture, elle atteint son maximum en 1990 et est cette fois constituée surtout d’immigrants du Portugal, de la Yougoslavie et de la Turquie, avant de s’affaiblir à cause du ralentissement économique. Cette fois, c’est l’UDC de Christoph Blocher qui émerge comme voix nationaliste. Au total, ce sont plus de 3.3 millions de travailleurs qui ont gagné la Suisse entre 1949 et 1998.
L’immigration d’ordre politique, quant à elle, constitue seulement 1% du nombre d’immigrants en Suisse. Elle est rythmée par les crises politiques qui frappent l’étranger, telles que les révoltes en Hongrie en 1956 et en Tchécoslovaquie en 1968. L’arrivée dans les années 1990 d’un grand nombre de ressortissants des pays d’ex-Yougoslavie demandant le statut de réfugié politique contribue à l’adoption d’une politique d’asile plus restrictive. Beaucoup d’entre eux retournent dans leur pays d’origine à la fin de la guerre des Balkans (1995).
Contexte politique
De tels mouvements migratoires donnent naissance à un vif débat en Suisse, alimenté par le dépôt de diverses initiatives populaires visant à enrayer l’arrivée de migrants.
Une première initiative contre la pénétration étrangère est lancée en 1965 par le parti bourgeois zurichois Demokratische Partei et ne passe même pas devant le peuple, ayant été refusée par l’assemblée fédérale. Elle marque cependant le début d’une ère de « lutte contre l’emprise étrangère ». S’ensuivent six initiatives marquantes déposées par le groupe Action Nationale, mené par James Schwarzenbach, conseiller national zurichois. Lancées entre 1969 et 1985, elles portent des noms tels que initiative « contre l’emprise étrangère », « contre l’emprise étrangère et le surpeuplement de la Suisse » ou encore « pour une limitation du nombre annuel de naturalisations ».
Bien qu’aucune de ces initiatives n’aient été acceptées par le peuple, elles exercent très certainement une influence sur le débat autour de l’immigration et sur les politiques adoptées. C’est dans ce contexte que des mesures sont prises dans les années 1970 pour limiter le nombre d’étrangers ayant une activité lucrative en Suisse.
[1] Etienne Piguet, L’immigration en Suisse, Lausanne 2013