Les enjeux de la construction d’une nation

De la Syrie à la Libye, de la Somalie au Yémen, plus de 50 nations sont des États en déliquescence. Cette situation déclenche des migrations massives, des conflits, l’extrémisme ou l’incapacité à faire face aux extrêmes climatiques et à la pauvreté. Une meilleure compréhension de ce qui fait que certains États prospèrent, tandis que d’autres s’effondrent, peut aider les institutions mondiales à soutenir les nations dans le besoin. C’est pourquoi le Prof. Dominic Rohner et sa coauteure ont édité un livre électronique publié par le Centre de recherche sur les politiques économiques (CEPR), qui présente des données factuelles provenant du monde entier sur ce qui fait la prospérité d’une nation.

La construction d’une nation dépend de la manière dont différents groupes ethniques, sociaux ou religieux parviennent à cohabiter pacifiquement et à créer un État qui fonctionne. Les populations germanophones, francophones, italophones et romanches de Suisse, et celles de Wallonie et de Flandre en Belgique en sont des exemples réussis.

Dans leur e-book, Dominic Rohner et sa coauteure, Ekaterina Zhuravskaya, de l’École d’économie de Paris, expliquent que la cohésion sociale est cruciale lorsque les membres de la société ont une identité commune et un sens partagé des responsabilités. Cela dépend à son tour du degré de ségrégation1 et de polarisation2 d’une nation. Ce phénomène s’explique par les comparaisons sociales, où les gens se divisent en « nous » et « eux ».

L’accent mis sur la polarisation et la ségrégation

La construction d’une nation est différente pour les pays où la polarisation et la ségrégation sont faibles, comme le Japon ou l’Allemagne, où la cohésion nationale est possible, mais où il y a historiquement un risque de nationalisme. Les pays qui présentent l’inverse, à savoir une polarisation et une ségrégation élevées, comme l’Afghanistan ou l’Espagne, requièrent une stratégie différente, axée sur le fédéralisme et le partage du pouvoir.

Alors que pour les « melting-pots » qui présentent une faible ségrégation mais une forte polarisation – pensez aux États-Unis et au Brésil – une approche différente est nécessaire. Ici, l’éducation est cruciale pour favoriser une identité positive et commune.

Le livre électronique se penche également sur l' »hypothèse du contact ». Les psychologues constatent que si des groupes sociaux, ethniques ou politiques différents ont des contacts réguliers les uns avec les autres, sans discrimination et dans un contexte d’équité et de non-exploitation, ils commencent à se faire davantage confiance, ce qui leur permet d’accumuler du capital social. Dans un monde polarisé, l’interaction entre ces groupes est importante, qu’il s’agisse de l’échange d’étudiants ou de la collaboration de scientifiques. 

L’égalité d’accès est cruciale

Il ne fait aucun doute que la démocratie est lépine dorsale de la construction d’une nation durable, où un État favorise l’égalité d’accès aux biens, aux services, à la richesse et à un environnement sain. L’éducation, l’information et l’interaction sont également essentielles. Il peut s’agir de mobilité et d’échanges sociaux par exemple.

En conclusion, les États en déliquescence représentent un risque sérieux. Mais avec une meilleure compréhension, une meilleure analyse et de meilleures politiques, ces risques peuvent être surmontés. Et l’avenir peut être prometteur si nous analysons en détail la construction d’une nation.

Source : La version complète et originale de l’article est publiée sur le blog de l’OCDE, Development Matters.

1. Ségrégation – Il s’agit de savoir dans quelle mesure les représentants des différents groupes d’un pays vivent dans des zones séparées.

2. Polarisation – Mesure des antagonismes potentiels au sein de la société. Une forte polarisation signifie qu’il existe un petit nombre de groupes puissants, ce qui diminue avec l’augmentation du nombre de groupes sociaux.