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Thèse en sciences de la Terre, soutenue le 29 août 2025 par Michael Bollen, rattaché à l’Institut des sciences de la Terre (ISTE) de la FGSE.
Cette thèse étudie l’interaction entre l’inlandsis antarctique et l’océan Austral au cours des 30’000 dernières années, une période marquée par la transition de la Terre d’un monde glaciaire avec de vastes inlandsis, un faible taux de CO₂ atmosphérique et un niveau de la mer inférieur de 120 m à celui d’aujourd’hui, à notre climat interglaciaire actuel. L’inlandsis antarctique est divisé en deux secteurs distincts : l’Antarctique de l’Est, qui repose principalement au-dessus du niveau de la mer sur un socle rocheux ancien, et l’Antarctique de l’Ouest, qui repose principalement sous le niveau de la mer sur un terrain plus jeune et plus vulnérable. L’Antarctique occidental étant situé sous le niveau de la mer, il est particulièrement sensible aux changements de température de l’océan, notamment lorsque des eaux chaudes atteignent la base glaciaire par l’intermédiaire des courants océaniques. L’océan Austral joue un double rôle dans ce système. Non seulement il transporte la chaleur vers l’Antarctique, influençant ainsi la stabilité de la calotte glaciaire, mais il contribue également à réguler le climat de la Terre en stockant ou en libérant du dioxyde de carbone, en fonction de l’intensité relative du mélange des masses d’eau, de la remontée d’eau et de la formation d’eau au fond de l’océan.
Cette recherche se concentre sur la mer de Weddell, un point de drainage clé pour l’inlandsis antarctique et une source majeure d’eau de fond antarctique, l’eau froide et dense qui se répand dans l’océan mondial. Grâce à la cartographie à haute résolution du plancher océanique, à l’analyse des carottes de sédiments et à l’empreinte géochimique des isotopes du néodyme et du plomb, nous reconstituons l’évolution des conditions glaciaires et océaniques depuis la dernière période glaciaire. Ces données montrent que le retrait de la glace dans la mer de Weddell a pu commencer relativement tôt au cours de la déglaciation, avec un courant d’eau chaude et profonde traversant le plateau continental jusqu’à la marge de glace qui a prévalu tout au long de la déglaciation. La formation et l’exportation d’eau de fond ont également persisté pendant les périodes de changement climatique rapide, ce qui indique une stabilité régionale de la circulation océanographique dans l’échancrure de la mer de Weddell. Nous avons également identifié un changement majeur pendant l’intervalle du Younger Dryas (12,5 – 11,5 ka), lorsque les apports d’eau chaude et l’augmentation de la fonte glaciaire ont perturbé la formation des eaux profondes. Cet événement a coïncidé avec l’amincissement de la calotte glaciaire en Antarctique de l’Est et de l’Ouest, ce qui suggère une boucle de rétroaction entre le réchauffement de l’océan et la perte de glace. En définitive, nos résultats montrent que la mer de Weddell ne se contente pas de réagir passivement au climat mondial, mais qu’elle le façonne activement. Il est essentiel de comprendre cette dynamique pour prévoir le comportement futur de la calotte glaciaire de l’Antarctique, le cycle mondial du carbone et l’élévation du niveau de la mer à l’échelle planétaire.