Le vélo chez les adolescent·es : un jeu d’enfant à délaisser ? Exploration de l’évolution des pratiques cyclistes au cours de la jeunesse

velo ado

Thèse en géographie, soutenue le 2 juillet 2025 par Aurélie Schmassmann, rattachée à l’Institut de géographie et durabilité (IGD) de la FGSE.

Alors que la plupart des villes occidentales connaissent une renaissance de la pratique du vélo, elles observent aussi un déclin de son utilisation chez les enfants et adolescent·es. En Suisse, trois tendances s’observent :

  1. un déclin de la pratique du vélo au cours des dernières décennies, avec une légère stabilisation au cours des cinq dernières années ;
  2. un déclin au cours de la jeunesse ;
  3. de fortes disparités régionales, avec une pratique du vélo plus forte en Suisse alémanique que romande ou italienne.

En s’intéressant à la pratique du vélo chez les jeunes, cette thèse présente un double intérêt : à la fois scientifique par l’analyse des dynamiques sociales autour du choix modal et de la mobilité quotidienne, et politique en étudiant un moyen de déplacement favorable à la transition bas carbone et en s’intéressant à un groupe social clé pour l’élaboration des politiques publiques futures. 

Nous interrogeons l’évolution des pratiques cyclistes des jeunes à l’aide d’une triple approche théorique :

  1. systémique à travers le système de vélomobilité, qui analyse les usages du vélo à la rencontre entre le potentiel cycliste des individus et le potentiel d’accueil des territoire ;
  2. relationnelle avec la notion de socialisation afin d’interroger les interactions familiales et sociales dans les pratiques de mobilité ;
  3. biographique pour appréhender l’évolution temporelle des pratiques cyclistes.

Par sa taille, ses caractéristiques et sa topographie favorables à la pratique du vélo, la ville d’Yverdon-les-Bains (CH) a été sélectionnée pour cette étude. Le terrain a été effectué dans quatre établissements scolaires, regroupant des jeunes de profils et niveaux d’éducation variés entre 12 et 18 ans. Les données se basent sur une enquête quantitative (n=1’350), des entretiens de groupes (n=150 jeunes) et des entretiens biographiques individuels menés avec une quarantaine d’élèves et une dizaine de parents. 

Les résultats montrent une diminution de la pratique du vélo au cours de la jeunesse : si la quasi-totalité des jeunes ont appris à faire du vélo, près de la moitié n’en fait plus à 18 ans. La non-possession de vélo augmente au cours de la jeunesse, passant de 13% à 12-13 ans à 25% à 19-20 ans. Parmi les jeunes faisant encore du vélo, trois types s’observent : les cyclistes occasionnel×le×s, les cyclistes récréatifs·ves, et les cyclistes utilitaires. La proportion de la catégorie des cyclistes récréatifs présente une augmentation vers l’âge de 16 ans (13.2% à 15 ans vs. 29.4% à 16 ans), tandis que la part du groupe de cyclistes utilitaires présente de fortes diminutions au fil des âges (30.2% à 15 ans vs. 17.5% à 16 ans, pour atteindre 6.4% à 19-20 ans). Afin de retracer l’évolution de l’usage du vélo dans le parcours de vie, les trajectoires cyclistes des jeunes, et leurs sous-catégories, sont définies selon le motif d’utilisation (utilitaire, récréative ou absente) : (1) utilitaires (continue, renforcée, diminutive) ; (2) non-utilitaires (transfert, récréative) ; (3) abandon. 

Quatre mécanismes permettent d’expliquer ces évolutions :

  1. L’accroissement du potentiel de mobilité : utilisé comme un outil d’indépendance dans les jeunes années, le vélo est rapidement concurrencé par les transports publics et les modes de transport motorisés auxquels les jeunes ont accès en grandissant.
  2. L’environnement socio-familial : les comportements cyclistes des jeunes et leur image du vélo sont influencés par leurs différentes sphères sociales et familiales. Cette socialisation se retrouve dès la phase d’apprentissage.
  3. Le territoire constitue la pierre angulaire de l’évolution de la pratique du vélo chez les jeunes. Le manque d’aménagements et d’infrastructures, dans un contexte où l’automobile est très présente, restreint la pratique du vélo aux plus compétent×e×s et motivé×e×s ou aux usages récréatifs et ponctuels.
  4. Le genre permet également d’expliquer ces évolutions : les filles ont davantage tendance à diminuer, voire à abandonner, le vélo au cours de la jeunesse. Elles ont une image plus négative du vélo que les garçons et font davantage référence aux aspects de sécurité et de confort. 

Sur la base de ces résultats, cette thèse propose une série de recommandations politiques pour renforcer et améliorer la pratique du vélo chez les jeunes. Il est notamment question de renforcer l’accès au vélo, de proposer des cours de conduite, d’offrir la possibilité de tester le vélo pour aller au-delà des a priori, ou encore de limiter la place la voiture aux abords des écoles et d’aménager des itinéraires sûrs et attractifs tout en tenant compte de l’aspect social de la pratique du vélo (rouler côte à côte par exemple).

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