Deux étudiant·e·s explorent les fjords du Groenland, à bord d’un navire de recherche

Cédric Genoud et Lucie Noverraz (© Lucie Noverraz)

Cédric Genoud et Lucie Noverraz, deux étudiant.e.s e en Master à la Faculté des géosciences et de l’environnement de l’UNIL, ont récemment pris part à une expédition océanographique au sud-ouest du Groenland, à bord du navire Sanna.

Durant cette expédition peu banale, ils ont étudié deux fjords aux caractéristiques contrastées : l’un doté d’un glacier se jetant dans la mer et l’autre, d’un glacier en retrait, situé à l’intérieur des terres.

Nous sommes Cédric et Lucie, deux étudiant·e·s de Master de l’université de Lausanne, en sciences de la Terre et en biogéoscience, respectivement. Du 21 au 29 août 2023, nous avons pris part à une campagne d’échantillonnage à bord du navire Sanna, explorant deux fjords du sud-ouest du Groenland. Notre expédition s’inscrivait dans le cadre du projet international et interdisciplinaire GreenFjord, financé par le Swiss Polar Institute et comprenant différents clusters (atmosphère, cryosphère, biodiversité, sols, humain, océan – notre groupe).

Le Sanna (© Lucie Noverraz)

Le cluster océan regroupe des experts en chimie, écologie, biologie et géologie, et l’expédition entière à bord du navire Sanna s’est déroulée du 21 août au 6 septembre. Nous avons pu y participer durant 10 jours. Nous avons embarqué au port de Narsaq, puis avons accosté le 29 août au port de Qaqortoq. A ce moment, nous avons laissé notre place à Mathilde, étudiante de master à l’ETH, et à Aurélie, journaliste pour le journal Le Temps.

Analyser l’impact du réchauffement climatique sur les eaux des fjords de l’Arctique 

L’objectif principal de cette campagne était de comparer deux fjords aux caractéristiques contrastées : l’un alimenté par un glacier se jetant dans la mer et l’autre, par un glacier situé en retrait dans les terres. Nous souhaitions étudier l’impact de la fonte des glaciers sur le fonctionnement physique et biogéochimique du fjord, ainsi que sur sa biodiversité. Le but étant de quantifier les flux de nutriments et de carbone entre les différents compartiments du fjord, à savoir l’océan, la cryosphère et la biosphère.

Vue sur un fjord avec icebergs typiques de la région (© Lucie Noverraz)

À bord du navire, chaque membre de l’équipe scientifique avait des objectifs spécifiques, mais tous convergeaient vers un but commun : analyser l’impact du réchauffement climatique sur les eaux des fjords de l’Arctique. Certains ont collecté des échantillons d’ADN, de carbone dissous ou particulaire, de métaux traces, d’azote (nitrate), tandis que notre travail était axé sur les particules sédimentaires. Ces échantillons seront ultérieurement analysés en laboratoire, notamment à l’UNIL.

Le travail de recherche de Cédric consiste à étudier comment l’eau de fonte des glaciers influence la fraction sédimentaire, selon que cette eau émane d’un glacier de marée (c’est à dire un glacier qui va amener l’eau de fonte par le bas, provoquant un brassage des eaux), ou d’un glacier situé en retrait dans les terres, qui provoque une stratification des eaux du fjord. Ces sédiments séquestrent du carbone et le stockent dans les sédiments du fjord. Avec sa recherche, Cédric vise donc à vérifier l’hypothèse selon laquelle les glaciers se terminant dans la mer libèrent des nutriments dans l’eau de fonte, favorisant le mélange vertical de ces éléments nutritifs, ce qui stimule la croissance du phytoplancton et conduit à des blooms estivaux (prolifération d’algues ou phytoplancton).

Sur le pont du Sanna (© Samuel Jaccard)

Lucie, quant à elle, va étudier l’origine de la matière organique, ainsi que sa composition. Tout d’abord, il s’agira d’en identifier la nature : si elle a été formée directement dans la colonne d’eau, ou si elle est d’origine terrestre. Ensuite, il faudra déterminer si les microorganismes de la colonne d’eau parviennent à décomposer cette matière organique, émettant ainsi du CO2, ou si l’interaction entre la matière organique et les sédiments environnants la protège de la décomposition, permettant ainsi au carbone d’être stocké dans les sédiments sous-jacents sur de longues durées.  

Logbook – Les premiers jours

Le 19 août, toute notre équipe s’est rassemblée. Cédric avait déjà passé plusieurs jours sur place pour parcourir à la marche le fjord autour de Narsasuarq de long en large. Mathilde était également déjà sur place pour profiter des beautés de la région arctique. Le soir, nous nous sommes retrouvés à l’auberge de jeunesse de Narsasuarq pour le souper. Certains d’entre nous ont opté pour des pâtes, tandis que d’autres ont préféré déguster des repas lyophilisés. Le jour suivant, nous avons exploré la région autour de Qassiarsuk. Certaines d’entre nous sont parties en randonnée, tandis que Mathilde a commencé son périple, direction Narsaq. Cédric a opté pour une course à pied, qui s’est finalement transformée en un périple de 42 km à travers la campagne.

Les alentours de Qassiarsuk (© Lucie Noverraz)

Le lendemain, nous nous sommes dirigés vers Narsaq, où notre taxi-boat nous a déposés directement sur le navire Sanna, donnant l’impression de pirates à l’abordage. Après avoir exploré le navire et rencontré l’équipage, nous avons commencé à organiser le laboratoire. Le 22 août, nous avons construit une salle blanche artisanale et finalisé les préparatifs. Avant notre départ, nous avons pris le temps de savourer une dernière bière. Le petit déjeuner était prévu à 6 heures, et une journée bien chargée nous attendait. 

Logbook – La vie à bord

Les matins commençaient avec le petit-déjeuner entre 6 heures et 7 heures, suivis du déploiement de la CTD, qui mesure plusieurs paramètres tels que la salinité, la température, le taux d’oxygène et de chlorophylle α, et la conductivité en continu. Ces données nous aidaient à déterminer les profondeurs appropriées pour les échantillonnages.

Ensuite, chaque membre de l’équipe était mis à contribution pour collecter de l’eau à l’aide de bouteilles Niskin, des dispositifs se fermant par la chute d’un poids le long du câble, à une profondeur pré-déterminée. En général, nous effectuions des échantillonnages à six ou sept profondeurs différentes. Parallèlement, Virginie, notre écologue, prélevait des échantillons d’ADN dissous. Une fois les Niskin remontées à bord, nous nous retrouvions pour le repas à midi pile. Sur le navire, la ponctualité était essentielle. Les après-midis commençaient par une pause-café et un moment de détente avant de retourner au laboratoire et de prélever des échantillons dans la salle blanche.

Coucher de soleil sur le fjord (© Cédric Genoud)

Une partie de l’eau était directement conditionnée en échantillons, tandis que le reste de l’eau disponible était extraite de la salle blanche pour être ensuite filtrée par les membres de notre équipe de recherche, surnommés les « Minions », afin de recueillir les particules organiques carbonées dissoutes, les particules azotées et la silice biogène. Lorsque nous effectuions une station de recherche classique, le processus s’arrêtait là, et nous passions à une autre station. Cependant, nous avons aussi réalisé des « méga stations » où deux pompes étaient immergées à différentes profondeurs pour collecter une grande quantité de sédiments, qui seront utilisés ultérieurement en laboratoire. Cette manœuvre était répétée à deux reprises. Le dîner était servi à 18 heures, après quoi nous reprenions nos échantillonnages, parfois jusqu’à minuit. Quand Cédric retournait dans la cabine qu’il partageait avec Aqqaluk, notre géophysicien groenlandais, ce dernier se réveillait, puis se mettait au travail pour cartographier les fonds des fjords explorés. Lorsque nous terminions plus tôt, Cédric s’accordait un peu de temps pour faire de l’exercice, car nous disposions de quelques équipements pour rester en forme.

Cédric et Samuel préparant les pompes (© Lucie Noverraz)

Après deux semaines passées au Groenland, nous regagnons l’UNIL. La prochaine étape est de définir une méthodologie cohérente pour analyser les échantillons qui arrivent et ensuite aller au laboratoire pour avoir des données précises sur l’évolution du réchauffement climatique dans ces terres polaires.

Cette expérience a été particulièrement intéressante, car nous avons pu découvrir la réalité du terrain de la vie d’un/e scientifique, et le travail que cela représente, ainsi que les savoirs qui sont nécessaires pour mener à bien une campagne océanographique. Nous avons appris à prioriser les éléments et à trouver des solutions aux problèmes qui se présentaient à nous. Et aussi réfléchir aux moyens d’avoir des échantillons de bonne qualité. Et bien sûr profiter d’une expérience incroyable !

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *