L’agriculture urbaine et les animaux du jardin, session 2023

Cette année, les étudiant·es de Master ayant participé au séminaire d’agriculture urbaine ont interrogé la relation des cultivateur·rices avec les animaux de leur jardin. Ces travaux d’étudiantes ont été réalisés sous la direction de Joëlle Salomon Cavin, Maître d’enseignement et de recherche à l’Institut de géographie et durabilité (IGD) et de Kylian Henchoz-Manitha, assistant doctorant IGD, avec l’aide du Centre de soutien à l’enseignement de l’UNIL, Jeff van de Poël, Elodie Jantet et Carlos Tapia ; ils proposent un panorama des relations humains/animaux. Découvrez la richesse de ces interactions à travers leurs vidéos !

Les jardins urbains : un terrain fertile pour la cohabitation entre espèces

En quoi les jardins urbains sont-ils des portes d’entrée privilégiées vers une cohabitation multi-espèces ? C’est la question de recherche que se sont posée les étudiant·es Masters du séminaire d’agriculture urbaine. Qu’ils soient admirés, détestés ou tolérés, qu’ils soient attachants ou repoussants, les animaux ne manquent pas de susciter des émotions et des réactions chez les jardiniers et les jardinières. Dans une série de vidéos, les étudiant·es explorent les différentes facettes de ces relations complexes.

Lorsque l’on fait du jardinage, les animaux s’imposent à nous. Parfois, ils prennent une place centrale. C’est le cas pour M. Öschner où cette cohabitation devient presque le but du jardin : les rouges-queues l’accompagnent et symbolisent des êtres disparus, la bonne taille de l’olivier est caractérisée par le vol des oiseaux entre ses branches, les nids des mésanges au creux des arbres sont protégés des prédateurs par des cartons… Toutefois, pour la plupart des personnes qui jardinent, on constate que le rapport est plus indirect. Elles jardinent et les animaux interviennent pour le meilleur ou pour le pire. Les abeilles pollinisent les fleurs, les vers de terre aèrent la terre et les coccinelles comme les hérissons soutiennent leur travail en se nourrissant des limaces ou des pucerons. Les petits passereaux ne favorisent, ni ne nuisent aux cultures, mais les accompagnent.

Les vidéos réalisées par les étudiant·es proposent huit profils et perspectives spécifiques sur ces relations humains-animaux dans des jardins urbains. Sur les hauts de Vevey, deux jardiniers utilisent des poules et des canards pour travailler le sol et favorisent les hermines pour éliminer les campagnols. Dans les jardins associatifs Satellite de Sierre, on mobilise des moutons non seulement pour tondre l’herbe, mais aussi en tant que mascottes et représentants médiatiques. Dans les jardins partagés de la « coopérative d’en face » à Neuchâtel, les étudiant·e encontrent d’anciens agriculteurs·trices qui ont été amenés à repenser leur rapport aux petits animaux du jardin dans un contexte urbain. Enfin, dans les jardins communautaires et familiaux de « Chercher la petite bête » ou ceux de l’EPER, les rencontres avec les animaux deviennent l’occasion de riches discussions entre les enfants et les adultes ainsi que d’échanges interculturels pour disserter de la place que ces êtres prennent et que l’on pourrait, ou non, leur laisser. 

À l’instar des passages consacrés aux limaces, actrices incontournables de l’ensemble des vidéos, la cohabitation multi-espèces dans les jardins urbains n’est pas toujours pacifique. Chacun, chacune trouve sa manière de coexister avec cette présence baveuse et dévoreuse de salades. L’entraver, l’empoisonner, la déplacer, la faire dévorer par des canards ou des hérissons ?  Comme le souligne le géographe Franklin Ginn (2013) dont le texte a inspiré le thème du semestre: « slugs and gardeners are ‘sticky’: joined together by shared histories, curiosity and disgust » (limaces et jardiniers sont « collants » : liés par des histoires communes, de la curiosité et du dégoût.). Ces animaux poisseux nous invitent à considérer le jardin non seulement comme un lieu de découverte, de soin et de convivialité entre espèces, mais également comme un lieu où voisiner et même se confronter avec des êtres étranges et non désirés.

Quelques mots sur la vidéo comme outils de recherche

L’usage de la vidéo par les étudiant·es leur permet non seulement de développer de nouvelles compétences techniques, mais exige aussi de leur part une autre manière d’analyser et de partager leurs observations et leurs entretiens. L’audiovisuel implique la construction d’une narration au moyen d’un dispositif spécifique.

Si l’interviewé·e est assis et que son entretien est intercalé d’images d’insert pour illustrer son propos, les informations ne seront pas les mêmes que si elle ou il est debout et nous emmène directement visiter les lieux, par exemple. Un groupe a même opté pour un plan fixe sur les interviewé·es, avec quelques rares plans d’inserts, mais où les interactions entre les adultes et enfants sont judicieusement valorisées. Parfois, la vidéo laisse sentir la présence de l’équipe de tournage, d’autres fois celle-ci est invisibilisée, comme si le jardinier s’adressait directement au public derrière la caméra. Le montage développe ensuite la capacité des étudiant·es à sélectionner le contenu de leur vidéo en faisant le deuil de certains discours ou de certaines images. Les plans sont coupés, ordonnés, les couleurs et les sons uniformisés pour former un tout cohérant. 

Enfin, une fois ces films terminés, ils peuvent être partagés aisément à un large public. C’est ce dernier point qui a été le plus mis en avant par les étudiant·es. Alors que bon nombre de travaux écrits finissent dans les tiroirs après avoir été lus par une poignée de personnes, chaque année un événement public est organisé pour le visionnage de toutes leurs vidéos et celles-ci sont publiées sur ce Géoblog. 

Ces travaux ne développent ainsi pas seulement leurs compétences individuelles, mais participent également à une discussion plus large. Loin de remplacer l’écrit (les étudiant·es doivent d’ailleurs aussi rendre un travail écrit qui relève les principaux résultats et l’intérêt de la vidéo dans l’analyse !), le film leur apprend une autre manière de mener leurs travaux et de les valoriser.

Chercher la petite bête – Entretien réalisé par Arbenitë Basha, Laure Derivaz et Lucas Vonlanthen
Le jardin comme appel aux animaux – Entretien réalisé par Théo Bovay, Giulia Fleury, Aurélien Lathion et Thibald Naef
Les animaux d’en face – Entretien réalisé par Julien Cambes, Coraline Gaud, Noa Kohli et Gwendoline Perritaz
Les animaux (in)indésirables – Entretien réalisé par Paule Huguenin-Elie, Zoé Lucas, Gabriel Mella, Giorgio Ranocchi et Zeljko Vukovic
Les présences du Châtelard, d’hier et d’aujourd’hui – Entretien réalisé par Alessandro Brönnimann, Nicolas Käppeli, Baptiste Moll et Lucca Reymond
Ravageurs ou auxiliaires- Entretien réalisé par Gaëtan Beboux, Nadja Brantschen, Gaëtan Locher et Marlène Raetzo
Les bestioles du Pavement – Entretien réalisé par Florine Cart, Autannes Estermann, Thomas Lutz et Wesselia Ngoenha
Un jardin des Cottages – Entretien réalisé par Bastien Brossard, Marianne Mhanna, Noah Mori, Nicolas Tschopp
Bibliographie
  • Ginn, Franklin. « Sticky Lives: Slugs, Detachment and More-than-Human Ethics in the Garden ». Transactions of the Institute of British Geographers 39, no 4 (2014): 532‑44. https://doi.org/10.1111/tran.12043.

Séminaire de Master

Depuis 2020, des étudiant·e·s de Master interviewent des Lausannois·es qui cultivent leur plantage urbain, dans le cadre d’un séminaire en agriculture urbaine.

Le projet continue : retrouvez les entretiens des sessions 2020, 2021, 2022 et 2023 ainsi que les réflexions surgissant autour de ces belles rencontres entre humains et non-humains.

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