Une recherche bien embarquée : Logbook suite – semaines ordinaires à bord

Delphine Gilliard, Institut des sciences de la Terre

Delphine Gilliard, doctorante à l’Institut des sciences de la Terre, a participé, du 31 août au 6 octobre 2021, à une campagne d’échantillonnage sous-marin près des Açores, effectuée par une équipe interdisciplinaire, à bord du bateau de recherche allemand Meteor.

Une expérience nouvelle pour elle et un peu unique, qu’elle nous fait partager dans un carnet de bord en quatre volets, à déguster au long de l’été.

  1. Le projet
  2. Logbook – semaine 1
  3. Logbook, suite – semaines ordinaires à bord
  4. Dernière semaine et fin de croisière

Le travail à bord

Les journées sont bien remplies et on n’a pas le temps de se tourner les pouces. On travaille tous beaucoup mais les moments de pauses sont toujours relaxants et agréables. Il y avait beaucoup d’entraide entre les chercheurs et on trouvait toujours quelqu’un pour un coup de main. A la fin de nos journées de travail (vers 20h pour moi), on se retrouvait souvent dehors sur le pont pour boire un verre et se détendre. J’ai trouvé ces soirées importantes pour le moral car même quand les journées étaient dures, on savait qu’elle serait suivies à la fin par un bon moment.

Laboratoires flottants

Les CTDs, qu’est-ce que c’est ? (photo : DG)

Mon travail à bord comprenait plusieurs tâches entre les CTDs, le laboratoire du thorium-uranium et le chrome. Du coup je changeais souvent de laboratoire. Dans mon laboratoire «principal», je filtrais, préparais et mesurais le thorium. Je stockais aussi mes échantillons de chrome. La partie manipulation chimique du thorium se passait dans un autre laboratoire car cela nécessitait l’utilisation d’une chapelle et d’eau déminéralisée.

Finalement les manipulations chimiques pour le chrome se passait dans ce qu’on appelle le clean container. Ce labo est différent des autres car il doit rester le plus propre possible en termes de particules et de métal. C’est-à-dire que toute la structure interne du labo est en plastique pour éviter des contaminations métalliques et qu’il y a un sas pour éviter que l’air extérieur n’entre dans le labo. Le chrome est présent dans beaucoup de matériels métalliques et est facilement contaminable, c’est pourquoi mon travail avec le chrome s’effectuait dans ce laboratoire. Pour y accéder, on devait passer une combinaison, mettre un filet sur notre tête et changer de chaussures. Finalement la chapelle est aussi différente, l’air est propulsé au dehors pour éjecter toutes les particules de l’air ambiant, c’est l’opposé d’une chapelle traditionnelle de laboratoire.

Le gros plus de chaque labo (sauf le clean container) est qu’ils étaient dotés d’un ordinateur avec une sono et un vaste choix musical pour travailler avec un fond musical !

De manière générale, la météo était favorable, donc une mer calme à part une journée un peu plus mouvementée qui a rendu les manipulations en laboratoire plus délicates. 

Les nuits sur le bateau

Les nuits sont généralement courtes à cause des horaires de travail mais aussi à cause du mouvement du bateau. Il y avait de bonnes et de moins bonnes nuits… Par exemple, dans les bonnes nuits, les vagues nous berçaient de manière perpendiculaire aux lits. On a alors la sensation de se faire bercer de haut en bas avec ce mouvement de tangage. Cependant il y a les moins bonnes, quand le To-Yo (appareil de mesure) était utilisé pendant la nuit, les allers-retours du bateau nous berçaient de gauche à droite. A cause de ça, on avait toujours la sensation de rouler de gauche à droite, voire de tomber. En fait, quand on n’a pas l’habitude de ce mouvement de roulis, on a l’impression qu’on va basculer, ce qui nous réveille. Une des techniques pour atténuer la sensation de bascule était de se caller contre le mur et de rouler la couverture contre nous pour bloquer les mouvements. Cela fonctionnait partiellement…

Toutes les manipulations des CTD pour le thorium-uranium-radium m’ont été enseignées par André Mutzberg. C’est aussi lui qui m’a appris comment préparer, lancer, fermer les CTD et a travaillé avec moi. Il a été d’une aide précieuse pour moi pendant toute l’expédition et je lui en suis reconnaissante. Il arrivait aussi que tout le programme soit décalé et que l’on doive réadapter les horaires. Parfois nous devions travailler après le repas jusqu’à 22h. 

La Journée-type du «chercheur marin»

06:00 Réveil
06:15 Début du labo pour le thorium
06:40 Regarder les données de la «trace metal rosette» pour savoir ou échantillonner le chrome
06:50 Labelliser les bouteilles et tubes pour l’échantillonnage du chrome, lancer les nouvelles mesures pour le thorium
07:00 Réveiller ma colocataire de cabine
07:15 Petit déj en petit comité car la plupart des scientifiques dorment encore
07:45 Pause-café sur le pont en profitant du lever de soleil et du calme avant la tempête
08:15 Préparer la CTD pour le thorium, les nutriments, l’uranium et le radium
09:00 Lancement du programme et de la première CTD, mise à l’eau et prise de note
09:15 Manipulation sur les échantillons du thorium de la veille et préparation-labellisation des bouteilles pour le thorium et l’uranium
10:00 Analyse des données de la première CTD, choix de la profondeur d’échantillonnage thorium-uranium-radium, remontée de la première CTD
10:10 Fermeture des bouteilles de la première CTD, préparation de la seconde CTD
10:30 Échantillonnage de la première CTD, lancement de la deuxième CTD
11:00 Analyse des données de la seconde CTD, choix de la profondeur d’échantillonnage thorium-uranium-radium, remontée de la seconde CTD
11:30 Fermeture des bouteilles de la première CTD
11:50 Pause midi !
12:10 Remontée et échantillonnage de la deuxième CTD
13:00 Acidification du thorium-uranium 
14:00 Filtration des échantillons de thorium de la veille, préparation des échantillons de thorium pour les mesurer 
14:30-16:00 Préparation des échantillons de chrome(III) dans le clean lab, préparation de la troisième CTD
16:30 Échantillonnage de la troisième CTD et acidification du thorium et de l’uranium 
17:45 Repas du soir !
18:20 Parfois encore un peu de travail pour préparer les échantillons de thorium à être mesurer. Profiter de la soirée avec les membres de l’équipage et l’équipe scientifique comme partager un verre sur le pont avec de la musique, regarder un film, jouer au ping-pong, karaoké, discuter au calme ou simplement profiter d’être seule et lire un livre. La soirée est aussi le meilleur moment pour essayer de téléphoner à ses proches.
20:00-22:00 Continuer à se détendre et vérifier les mesures de thorium et si possible lancer les prochaines mesures et dormir ! 

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