Thèse en sciences de la Terre, soutenue le 3 août 2022 par Lidia Loiotine, rattaché à l’Institut des sciences de la Terre (ISTE) de la FGSE.
Les phénomènes d’instabilité des masses rocheuses constituent un risque important pour la société et peuvent causer des dommages importants aux infrastructures anthropiques ou au patrimoine naturel, culturel ou historique des sites protégés. Bien que les glissements de terrain soient typiques des environnements montagneux, des phénomènes mineurs peuvent affecter les falaises côtières, également en raison du changement climatique. Ces épisodes représentent un risque non négligeable, notamment dans les lieux urbains ou touristiques. L’évaluation de la stabilité des versants rocheux, visant à définir le danger de glissement de terrain et, par conséquent, à celui du risque, nécessite un haut niveau de connaissance sur le comportement des matériaux et des processus capables de déclencher des phénomènes d’instabilité. En raison de la complexité de tels systèmes, il existe un degré d’incertitude important dans la modélisation des masses rocheuses, en particulier lorsque des systèmes de fractures sont présents qui déclenchent et guident leur comportement mécanique.
Ces dernières années, les géosciences ont utilisé des outils comme des drones, des laser scanners et des caméras thermiques pour soutenir la compréhension de ces systèmes complexes. Malgré cela, à l’heure actuelle, une procédure standard pour la caractérisation des masses rocheuses qui combine à la fois les levés traditionnels sur site et les techniques de télédétection n’a pas encore été formulée.
Cette thèse de doctorat se place dans ce contexte, qui a pour objectif principal l’étude de l’applicabilité des techniques évoquées pour la caractérisation des masses rocheuses dans des environnements complexes, « perturbés » par la présence de végétation, le passage de touristes et avec des géométries produites par les processus karstiques et atmosphériques. Le but ultime est de développer une procédure standard pour le développement de modèles géomécaniques tridimensionnels, qui résument toutes les informations sur la morphologie, la géologie et les processus en action nécessaires pour évaluer quantitativement la stabilité ou la propension à l’instabilité des masses rocheuses.
La première partie de cette thèse est informative et elle fournit une description des techniques et méthodes abordées dans la thèse, ainsi qu’une illustration de la démarche de recherche.
La deuxième partie du manuscrit concerne les tests, la validation et l’optimisation de différentes techniques de télédétection pour la caractérisation des masses rocheuses et présente un outil numérique innovant pour l’analyse bidimensionnelle des systèmes de fractures.
À cette fin, une cas d’étude a été identifiée dans un environnement côtier affecté par une morphologie complexe, comme des processus karstiques, atmosphériques, la présence d’une végétation méditerranéenne et des activités anthropiques.
Plus précisément, une comparaison quantitative des techniques de Terrestrial Laser Scanning (TLS), de photogrammétrie depuis le sol et à travers des systèmes de véhicules aériens sans pilote (UAV, c’est-à-dire des drones) est rapportée pour la caractérisation des masses rocheuses dans des environnements complexes à partir des nuages de points acquis. Une attention particulière a été portée à l’étude de la précision de ces méthodes pour l’extraction et la caractérisation des fractures et pour le suivi des pentes.
En outre, l’applicabilité de la thermographie infrarouge (IRT), assistée par des drones, a été évaluée pour la caractérisation des masses rocheuses et, plus précisément, visant à identifier les fractures et les cavités. La surveillance de 24 heures et l’analyse et l’interprétation subséquentes des données ont permis d’obtenir des corrélations entre la réponse thermique de la paroi rocheuse étudiée et certaines propriétés de la masse rocheuse. Cette section offre de nouvelles perspectives sur une technique encore en développement et propose une méthodologie innovante pour acquérir des informations utiles (quoique avec certaines limites) même si les conditions sur site ne sont pas favorables, avec la possibilité d’utiliser des techniques IRT dans des zones inaccessibles.
La dernière section de cette partie de la thèse est consacrée à l’analyse 2-D des traces d’orthophotofractures (vues de dessus) générées par télédétection. Bien que plusieurs méthodes soient disponibles pour la caractérisation 3-D à partir de nuages de points, les analyses 2-D, proposées dans la littérature il y a quelques décennies, sont obsolètes et chronophages. Par conséquent, dans le cadre de cette thèse, les méthodes proposées dans la littérature ont été adaptées à un environnement numérique (en MATLAB) pour identifier de manière semi-automatique les fractures et les caractériser d’un point de vue quantitatif, plus rapidement et plus efficacement. Cette procédure a d’abord été adaptée à des données générées artificiellement, puis appliquée à l’étude de cas et validée à travers les analyses réalisées in situ de manière conventionnelle.
Dans la troisième partie de ce manuscrit, l’objectif principal de la recherche est atteint. En détail, une procédure d’évaluation de la stabilité des masses rocheuses grace à l’intégration de techniques de télédétection et d’enquêtes sur le terrain, développée dans le cas d’étude, est rapportée. Toutes les données précédemment obtenues à partir d’enquêtes sur le terrain, de télédétection et d’essais en laboratoire ont été combinées pour générer un modèle géomécanique 3D sophistiqué avec des programmes spécifiques. La stabilité du cas d’étude a été évaluée à la fois dans les conditions actuelles et dans différents scénarios hypothétiques sur la base d’observations de terrain, tels que, par exemple, l’érosion marine et le développement de grandes fractures. Une attention particulière a été portée aux résultats de ces simulations en supposant à la fois un modèle de roche « intacte » et un modèle fracturé. Cette étude a été menée pour observer l’effet de la mise en place de fractures, générées statistiquement à partir des résultats rapportés dans la deuxième partie de la thèse, sur le comportement de la falaise modélisée.
Cependant, compte tenu de la complexité du cas d’étude, d’autres recherches, suggérées comme perspectives futures, peuvent être appropriées. Cette dernière partie de la thèse intègre toutes les investigations menées sur la zone d’étude et illustre comment différentes données peuvent être combinées pour obtenir des analyses de stabilité fiables et avancées, soulignant l’importance des données d’entrée et les difficultés de production et d’interprétation des résultats.