Les feuilles de vignes : de précieux indicateurs de déficit hydrique des sols

Jorge Spangenberg, Institut des dynamiques de la surface terrestre

Le Dr Jorge Spangenberg, démontre dans un récent article que la composition chimique des feuilles de vigne – ici de chasselas et de pinot noir – conditionne leurs premières réponses aux manques d’eau dans le sol, le stress hydrique, ce qu’il est essentiel de comprendre dans le cadre des changements climatiques.

Le Dr Spangenberg, privat-docent à l’Institut des dynamiques de la surface terrestre (IDYST), est en outre convaincu que les conclusions de ses travaux sont applicables à d’autres types de plantes, comme un indicateur important de déficit hydrique lorsque mises en corrélation avec des données saisonnières, sachant que la vigne est parmi les plantes les plus sensibles à la carence en eau du sol.

Concrètement, cette étude de cas est le fruit de l’analyse de deux cépages (chasselas et pinot noir) de vignobles de la station de recherche de l’Agroscope à Leytron, en Valais.

Pour ce faire, le Dr Spangenberg a étudié les isotopes de carbone et d’azote ainsi que leur concentration au niveau moléculaire des cires épicuticulaires (la graisse couvrant l’épiderme des feuilles). Cette méthodologie novatrice étudie les modifications des rapports isotopiques et fraction molaire de carbone et d’azote lors de la réponse de la vigne au stress hydrique. Il utilise comme marqueurs complémentaires le taux d’accumulation des lipides couvrant la surface des feuilles et l’apparition de biomarqueurs – comme les acides linoléique et linolénique, précurseurs de la synthèse des molécules spécifiques (principalement l’acide jasmonique) – impliqués dans la signalisation de situations de stress abiotique.

C’est ce qui ressort de l’analyse de deux cépages (chasselas et pinot noir) de vignobles dans la station de recherche de l’Agroscope à Leytron. En d’autres termes, les isotopes de carbone et d’azote des feuilles de vigne et les lipides à leur surface sont des indicateurs de déficit hydrique précoce ; ces relevés sont pratiqués sur des vignes cultivées sur le terrain même sous différents régimes hydriques, aussi bien en irrigation abondante qu’en absence totale d’eau. Ces données sont particulièrement significatives sur la période qui s’étend de juin à septembre et jusqu’aux vendanges.

Il est aussi très intéressant de noter que les analyses isotopiques, plus simples, plus rapides et moins coûteuses à réaliser que les analyses des lipides, permettraient une cartographie biogéochimique de la disponibilité en eau dans les sols au niveau de l’ensemble des vignobles (terroirs). 

Finalement, cette étude complète les travaux du Dr. Spangenberg et des autres coauteurs et collaborateurs au projet, qui démontrent ainsi que la composition isotopique de carbone et d’azote des vins issus de trois cépages (chasselas, petite arvine et pinot noir) et six millésimes (2009–2014) des vignobles expérimentaux de Leytron, permettent de reconstruire l’évolution climatique des régions viticoles (voir publications ci-dessous de 2017 à 2019).

La composition chimique des feuilles des plantes et aussi de ces produits (i.e. des vins) donne de précieuses indications périodiques sur l’évolution du climat, et devrait permettre de tracer et de cartographier l’évolution de la disponibilité d’eau dans les sols à une échelle régionale. Cette innovation en termes de méthode pourrait ainsi s’appliquer au monitoring de l’évolution de la chaleur et de la sécheresse, assez vital dans un contexte de changement climatique rapide, ainsi qu’au management de la ressource en eau dans différents environnements viticoles ou agricoles.

Référence de l’article

Spangenberg, J.E., Schweizer, M., Zufferey, V., 2020. Shifts in carbon and nitrogen stable isotope composition and epicuticular lipids in leaves reflect early water-stress in vineyards. Science of the Total Environment, Volume 739, 140343. doi: 10.1016/j.scitotenv.2020.140343.

Autres travaux sur le sujet

Spangenberg, J.E., Zufferey, V. 2019. Carbon isotope compositions of whole wine, wine solid residue and wine ethanol, determined by EA/IRMS and GC/C/IRMS, can record the vine water-status – A comparative reappraisal. Analytical and Bioanalytical Chemistry, Volume 411, pp. 2031–2043. doi: 10.1007/s00216-019-01625-4.

Spangenberg, J.E., Zufferey, V., 2018. Changes in soil water availability in vineyards can be traced by the carbon and nitrogen isotope composition of dried wines. Science of the Total Environment, Volume 635, pp. 178–187. doi: 10.1016/j.scitotenv.2018.04.078.

Spangenberg, J.E., Vogiatzaki, M., Zufferey, V., 2017. Gas chromatography and isotope ratio mass spectrometry of Pinot Noir wine volatile compounds (d13C) and solid residues (d13C, d15N) for the reassessment of vineyard water-status. Journal of Chromatography A, Volume 517, pp. 142–155. doi: 10.1016/j.chroma.2017.08.038.

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